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5G : révolution pour l’entreprise, prioritairement

Avr 1, 2021 | Mobility | 0 commentaires

Le sujet de la 5G reste très sensible. Si une partie de la population y est toujours hostile, c’est dans l’entreprise, prioritairement, que la révolution se fera… ou pas.

Pouvoir télécharger un film 4K en quelques secondes sachant qu’on passera deux heures pour le regarder, où est l’intérêt ? Streamer plus vite ? On s’égare. Les vrais enjeux de la 5G sont ailleurs : réalité virtuelle, connectivité des machines, pilotage à distance des outils industriels… Ne nous leurrons pas : la 5G intéressera les verticales de secteurs très variés comme l’énergie, l’industrie, le transport, mais aussi la santé et les médias.

N’empêche : le sujet 5G reste très sensible, reconnait Guillaume Boutin, CEO, Proximus. «Le grand public, principal utilisateur des réseaux en mobilité, a développé une hyper sensibilité aux enjeux énergétiques, environnementaux et de santé. Ils savent que la 5G n’est pas une évolution de la 4G. Et, à ce titre, veulent être entendus. Face à leurs craintes, nous voyons de plus en plus d’entreprises impatientes de développer de nouveaux usages et relever les défis de demain…»

Mercredi 31 mars, vingt heures. Autour de Guillaume Boutin, invité au webinaire «5G or not 5G ?» organisé par lab.davanac, la plate-forme de Damien Van Achter, deux observateurs avertis : Julie Foulon, Community Leader, Startup Vie, et Geoffrey Joris, General Advisor, Agoria.

La révolution sera… ailleurs !

Pour les entreprises, on peut parler de révolution… mais pas dans l’immédiat, pas avant 2023 ou 2024. En revanche, pour les consommateurs et les utilisateurs, on est loin d’une révolution. «La vraie 5G, celle à très haut débit n’arrivera que dans un deuxième temps; elle n’est même pas encore spécifiée, précise d’emblée Geoffrey Joris. Avant, la 5G commercialisée sera en réalité à peine plus rapide que la 4G…»

Qu’on se le tienne pour dit. La révolution sera ailleurs. Notamment dans les champs, illustre Guillaume Boutin. «Grâce à l’installation de senseurs connectés à l’ordinateur ou le smartphone de l’agriculteur, celui-ci pourra connaître en temps réel, par exemple l’hygrométrie de ses sols, la vitesse du vent, la température…» Ces données météo essentielles, recueillies avec une faible latence au niveau de la parcelle, une fois traitées par un algorithme, pourraient permettre d’adapter l’irrigation au plus juste avec à la clé, des économies d’eau, indispensables dans un contexte de réchauffement climatique.

Au plus près des besoins

Aujourd’hui, la majorité des PoC et des premiers déploiements se situent dans les transports et la logistique. Bel exemple au port d’Anvers. Egalement à l’aéroport de Bruxelles National. Le nord du pays avance plus vite que Bruxelles et la Wallonie. Les raisons sont connues.

Ls plus beaux projets viendront de l’industrie, pronostique Geoffrey Joris. La 5G présente l’avantage de libérer l’entreprise d’une infrastructure physique câblée, ce qui facilite les modifications et adaptations de la chaîne de production. Or, c’est là l’un des défis de l’industrie, qui voit aujourd’hui se bouleverser ses modèles de production -voire ses modèles économiques- avec davantage d’exigence de flexibilité.

La force de ces modèles ‘on-demand’ est d’être en permanence au plus près du besoin, avec à la clé une optimisation économique et environnementale. Et de citer l’exemple d’Audi, très en avance. L’arrivée de la 5G constitue une étape cruciale dans la transition vers l’Industrie 4.0., avec des usines plus flexibles et productives. La 5G est dix à vingt fois plus rapide que la LTE actuelle et ne consomme qu’un millième de la quantité d’énergie par bit transféré. «De faibles temps de latence, des bandes passantes très larges, le contrôle de ses propres données et la souplesse d’adaptation aux besoins individuels : les réseaux privés offrent à l’industrie des possibilités inédites», argumente Geoffrey Joris.

IoT, edge, cloud computing…

Le paysage est en train de changer. Avec le déploiement de la 5G, de nombreuses contraintes techniques vont tomber. Ce qui va permettre de déployer des technologies jusqu’alors expérimentales ou réservées aux grands groupes. «A la clé, plus de liberté pour innover et partir à la conquête de nouveaux marchés, estime Julie Foulon. La 5G est le levier technologique qui accélérera le développement des start-up. La 5G va à la fois bonifier l’offre actuelle, pour envoyer et recevoir des données toujours plus rapidement, améliorer l’expérience utilisateur des clients et accélérer le développement d’innovations de rupture.»

Le spectre de la connectivité 5G est vaste. C’est pourquoi plusieurs jeunes pousses se différencient et s’approprient des segments bien spécifiques. Certaines développent des logiciels qui aident plusieurs antennes à fonctionner de manière transparente sur une très grande surface. D’autres se concentrent sur des applications. Ou sur l’IoT, pour qui la 5G sera le véritable moteur. Enfin, une poignée se frotte au edge computing, qui permet aux données d’être traitées à la périphérie du réseau, au bénéfice d’une réduction significative du temps de latence.

5G et fibre, complémentaires

Guillaume Boutin confirme : «l’avènement de la 5G doit être l’occasion d’une refonte de l’architecture réseau. L’edge en sera le vecteur. Les données ne transitent plus par le nuage pour être traitées. Le traitement se fait en local, au plus proche de la source.»

Par leur complémentarité, la 5G et l’edge computing forment un joli combo pour répondre aux exigences du temps réel. Pour autant, le cloud ne doit pas être écarté du jeu. Il constitue une extension naturelle de ce duo en apportant sa puissance de calcul pour traiter une volumétrie importante de données. «Pour consulter le trafic routier, la voiture connectée passe par le cloud. Il n’y a pas, dans ce cas, de contrainte temps réel. En revanche, la future voiture autonome n’aura pas le temps de consulter le nuage pour prendre une décision face au danger…»

La fibre est également comprise dans la réforme du réseau. 5G et fibre sont intiment liés, l’essentiel des nouveaux usages viendra de leur cohabitation. «L’avantage d’avoir la fibre optique et la 5G qui cohabitent, c’est de pouvoir élargir le champ des possibles au niveau de la mobilité», explique Guillaume Boutin. On passerait d’une connexion fibre en très haut débit en intérieur à une connexion 5G très haut débit en extérieur. La 5G pourra également être utilisée là où les connexions sans fil sont obligatoires ou dans des lieux où il ne sera pas possible d’avoir une connexion fixe haut débit. «Notre engagement est énorme : 3 milliards EUR sur dix ans; en remplaçant le cuivre, nous sommes partis pour 80 ans !»

La Wallonie s’isole, la Flandre en avant

Autrement dit, déployer la 5G, c’est une politique d’équipement du territoire qui s’inscrit inévitablement dans le temps. C’est aussi le passage inévitable par une rehausse des normes exceptionnellement basses en Belgique. «En télécoms, on ne fait pas n’importe quoi, l’environnement réglementaire est très strict», rappelle Geoffrey Joris. Sur ce volet, les demandes des entreprises sont claires : un alignement sur les recommandations internationales qui permettrait de rencontrer le principe de précaution puisque celles-ci tiennent déjà compte d’un facteur de précaution.

«Aujourd’hui, les hésitations autour de la 5G isolent la Wallonie, alors que la Flandre mène déjà plusieurs projets pilotes sur son territoire et que Bruxelles a adopté une feuille de route sur la 5G, regrette Guillaume Boutin. Nous sommes conscients, chez Proximus, que la concrétisation du potentiel de la 5G ne peut se faire qu’en se basant sur une compréhension et une légitimité forte de la technologie de la part des entreprises, mais aussi et surtout de l’ensemble des citoyens. Objectiver et informer sont les clés de voûte du succès de cette technologie. Selon une étude, 20 % de la population est opposée à la 5G. C’est vers cette population qu’il faut aller»

De la 5G aux smart grids

Parmi les questions qui divisent, l’énergie. Les opérateurs télécoms et les équipementiers affirment que la 5G est moins énergivore que la 4G. «De fait, la facture énergétique dépendra beaucoup des usages, qui ont tendance à se multiplier. La crainte ? Un ‘effet rebond’ : la hausse considérable de la demande de données créée par le très haut débit pourrait contrebalancer les gains d’efficacité énergétique permis par cette nouvelle génération mobile Le think tank The Shift Project, qui milite pour sortir des énergies fossiles, estime qu’avec la 5G la consommation d’énergie des opérateurs mobiles sera multipliée par 2,5 à 3 dans les cinq ans à venir.

La 5G pourrait ainsi souffrir de ses apports. En créant de nouveaux usages et en rendant certains terminaux obsolètes, la consommation d’énergie augmenterait. Ce constat en appelle d’autres. Une des conditions de réussite de la transition énergétique sera d’être en capacité d’intégrer la production décentralisée des énergies renouvelables de manière massive. La question de la résilience du réseau électrique n’a jamais été autant d’actualité.

Les smart grids, ou réseaux intelligents, offrent des réponses à ces enjeux, observe encore Geoffrey Joris. Ces solutions, expérimentées et déployées depuis plusieurs années par les gestionnaires de réseaux, reposent sur des équipements matériels, des infrastructures télécoms et des outils informatiques. De nombreux experts voient ainsi en la 5G un des moyens pour accroître les opportunités offertes par les smart grids et ainsi parvenir à un réseau électrique «décentralisé» encore plus efficient.

Vital. Plus encore depuis la crise sanitaire

En attendant, le débat est loin d’être clos. Le rapport sur la 5G commandé par la Région wallonne présenté voici peu en est l’illustration. Les avis des experts consultés divergent. L’objectif de rassurer le citoyen et d’obtenir son adhésion n’est pas atteint. Quant aux opérateurs et certains milieux économiques, ils trépignent d’impatience…

«Pendant la crise sanitaire, les réseaux ont prouvé combien ils sont indispensables, accentuant le rôle vital du numérique dans nos sociétés et dans nos vies, insiste Guillaume Boutin. Aujourd’hui, ils constituent un levier essentiel pour une relance économique durable.»

Alain de Fooz