Comment innover quand il faut gérer ?
«Innover ? Et si la transformation digitale était menacée ? Les obstacles sont encore trop nombreux», ne craint pas d’avancer Marie del Marmol, CEO, Insight Belgium-Luxembourg.
° Manque de ressources, mauvaise image… Comment innover ? Les départements IT sont sous pression, rapporte le «2018 Insight Intelligent Technology Index». Le constatez-vous au quotidien ?
Marie del Marmol : «Oui… en permanence. L’organisation attend du département IT qu’il apporte du soutien, notamment pour les affaires IT quotidiennes telles que le support, la protection, les mesures GDPR, etc., mais aussi qu’il prenne l’initiative de lancer des projets innovants qui favorisent le développement des activités. Gérer au mieux et innover, voire disrupter. Bref, la quadrature du cercle. Résultat : plus de la moitié des professionnels IT interrogés en Belgique (55 %) estiment que, sans moyens suffisants, le département IT ne parviendra pas à mener à bien les tâches qui lui sont dévolues. Deux tiers estiment disposer de moyens insuffisants pour soutenir adéquatement l’organisation. Et un tiers pense qu’une absence de rôles et responsabilités bien définis leur porte préjudice…»
° En somme, un champ de tension sépare ce que le management veut et ce que le département IT peut faire avec les moyens dont il dispose…
«Parfaitement. Alors que les entreprises attendent de plus en plus que le département IT les aide à développer et à soutenir des initiatives qui favorisent la croissance des activités, la plupart d’entre elles considèrent malgré tout ce département essentiellement comme un centre de coûts. 44 % des personnes interrogées estiment que leur département est considéré principalement comme un centre de coûts. A peine 12 % pensent qu’ils sont davantage vus comme un hub d’innovation… »
° S’il devient difficile d’innover, la transformation digitale serait-elle menacée ?
«La question mérite d’être posée… Une autre étude d’IDC, The Challenge of Change : IT in Transition, a examiné l’état d’avancement de la transformation informatique, notamment en ce qui concerne les progrès réalisés à ce jour par les organisations, les obstacles rencontrés, le statut et les défis de l’informatique en nuage, les facteurs déterminants dans les décisions prises sur site ou en local et les lacunes dans les compétences rencontrées pour atteindre les objectifs de transformation informatique. Il en résulte que 51% des répondants ont bloqué ou abandonné une partie de leurs programmes de transformation informatique en raison de difficultés rencontrées lors de la réalisation de ces projets. Cet ordre de grandeur inclut 65% des entreprises de plus de 10 000 employés, ce qui reflète la complexité de la mise en œuvre du changement au sein de technologies héritées disparates et d’équipes distribuées communes aux entreprises de cette envergure.
«La même étude nous apprend que 44% des entreprises n’ont pas encore procédé à des changements de processus, d’exploitation ou de technologie pour soutenir les initiatives de transformation informatique, soulignant le grand nombre d’entreprises qui en sont encore aux toutes premières étapes du processus de transformation. En fait, 15% des répondants déclarent que la transformation est ‘dans le radar’… mais sans avoir commencé à discuter de stratégie !»
° Précisément, à qui revient cette tâche ou, plutôt, cette vision ? Au CIO ? A un C-level ?
«De nombreux CIO pensent que la transformation digitale ne les concerne pas vraiment. Ils considèrent soit que les enjeux de la transformation digitale sont incompatibles avec les critères d’évaluation de leur performance, autrement dit la stabilité et la sécurité du système d’information, soit que ce sont aux métiers de porter et supporter cette transformation. Innover semble lointain… Ces avis, bien qu’historiquement cohérents, sont aujourd’hui à relire via le prisme d’un nouveau paradigme : la redistribution des cartes quant aux rôles et responsabilités de la direction IT à l’ère du digital. En Belgique et au Luxembourg, je constate que cette discussion n’a pas nécessairement eu lieu partout. Et c’est inquiétant…»
° Ce flou nous ramène à la première réflexion : comment gérer et innover ?
«Il y a bien évidemment des enjeux auxquels les directions IT doivent s’attaquer de manière opérationnelle en premier, ce qui les éloigne des priorités préalables à la transformation digitale. Sur ce front, l’automatisation et la rigueur opérationnelle peuvent être des aides non négligeables. Si la maintenance et l’entretien n’en finissent pas d’engloutir les ressources du département IT, il est clair qu’il y a un problème. De là, la nécessité d’éradiquer les processus manuels et répétitifs. Tous les aspects à faible valeur ajoutée et routiniers, grands consommateurs de précieuses ressources, doivent être automatisés afin de se laisser le champ libre, pour prendre en charge les tâches qui requièrent de la créativité et de l’imagination, avec -in fine- une valeur ajoutée pour l’organisation. Innover a un prix !»
Alain de Fooz
Préserver l’esprit entrepreneurial
Insight accélère. Cette année, le groupe d’origine américaine compte embaucher en Europe quelque 200 spécialistes en logiciels spécialement dans le cloud et les services, un engagement faisant partie d’un investissement de 10 millions EUR. La filiale belgo-luxembourgeoise en profitera. En août dernier, Insight rachetait Cardinal Solutions, spécialiste de solutions digitales sur mobile, sur Internet, en analytique et dans le cloud. Précédemment, Insight avait mis la main sur BlueMetal et d’Ignia. L’ambition n’a pas changé : accélérer la transformation digitale de ses clients en capitalisant sur l’innovation.
Les acquisitions sont aussi locales. En 2017, la filiale belgo-luxembourgeoise reprenait l’activité logicielle de Systemat. «L’objectif affiché est clair : élargir notre empreinte», résume Marie del Marmol. La même année, la filiale néerlandaise avait repris Caase.com, une entité d’une cinquantaine de collaborateurs spécialisée dans l’environnement Microsoft.
Si Insight s’est fait un nom dans la gestion des licences logicielles, le prestataire s’impose aujourd’hui dans les services liés à Office 365 et, plus globalement, sur Azure. Il est aussi, en Belgique et au Luxembourg, le premier spécialiste Microsoft Hub. «Nous nous plaçons dans une logique de redéfinition des modes de travail, donc de collaboration et de partage, que ce soit avec les nouveaux devices ou avec les nouveaux outils de productivité.»
Croître, donc. Tout en préservant l’esprit. «Je tiens beaucoup à l’esprit entrepreneurial qui caractérise l’entreprise, souligne encore Marie del Marmol. Autant notre stratégie est claire et nos processus précis, autant Insight laisse une grande liberté d’action à ses collaborateurs, 70% de mon équipe a m