Cloudification : concrètement, où en êtes-vous ?
Pour Antoine Kerrinckx, General Manager, Atos Belgium & Luxembourg, la cloudification est bien plus qu’un projet de transformation ICT.
° Souvent, le cloud est vu dans sa perspective technique. En parlant de cloudification, vous avancez l’idée d’un voyage, celui d’une transformation profonde. C’est-à-dire ?
«Un voyage, de fait. Et quel voyage ! La cloudification dépasse largement la notion technique, autrement dit la transformation ICT. Il doit inclure transformation ICT et transformation métier. De prime abord, cela peut avoir un côté dissuasif, mais ce n’est qu’en enclenchant la vitesse supérieure que les entreprises pourront engranger les réels avantages du cloud -à savoir : réduction des coûts, agilité et plus grande réactivité commerciale.
«Si les entreprises belges et luxembourgeoises commencent à comprendre l’importance de la cloudification, je pense qu’elles n’en concrétisent pas encore pleinement les avantages. Bon nombre, encore, sous-estiment l’impact du changement de paradigme. Dans leur majorité, elles n’en sont qu’aux premières étapes de leur transition. Ceci dit, une fois qu’elles se sont engagée sur la voie du changement, nos entreprises se montrent particulièrement déterminées. C’est ainsi que nous emporté d’importants contrats, y compris des migrations de legacy sur mainframe…»
° Il n’empêche : le cheminement menant à un environnement idéal, procurant la bonne dose d’informatique dans le cloud, relève d’un processus plutôt complexe… Le marché en est-il conscient ?
«C’est sûr, une stratégie cloud pérenne implique une collaboration entre applications centralisées et distribuées, opérant tant dans des environnements traditionnels que dans un contexte multi-cloud… Orchestrer ces applications doit s’appuyer sur des plates-formes hybrides unifiées en vue de générer et de gérer des règles opérationnelles au sein du paysage ICT, autorisant ainsi les meilleures conditions d’utilisations possibles de même que de la cohérence en matière de gouvernance, de mise en conformité et de sécurité. Ce n’est pas là une tâche facile. Chez Atos, nous conjuguons des modèles industriels avec une connaissance approfondie de tous les secteurs en vue de proposer un vaste éventail de solutions et de services cloud, contribuant ainsi à nourrir les ambitions opérationnelles de nos clients.»
«Il est crucial, dans tout cheminement vers le cloud, d’aligner exigences techniques et ambitions opérationnelles. C’est ce qui confère aux projets de cloudification leur caractère unique. Chaque entreprise a ses propres priorités et spécificités stratégiques, ce qui veut dire encore que chaque organisation devra adapter sa feuille de route technologique en conséquence. Soyons clairs : il n’y a pas d’approche universelle !»
° Qu’implique cette cloudification ? Et, d’abord, quel en est son périmètre ?
«Par cloudification, il faut entendre les multiples étapes vers le cloud. Cette notion fait également référence à l’immense opportunité commerciale qui s’ensuit lorsque vous passez à un nouveau modèle commercial, lequel inclut le plus souvent des technologies jusque là non exploitées telles que l’AI, l’IoT ou la blockchain… Même si le passage au cloud nécessite une transformation technique profonde, il faut voir plus loin, viser d’emblée les atouts business qui vous différencieront de la concurrence. Une première étape consiste déjà à externaliser les aspects qui ne sont pas au coeur de votre activité. Vous aurez tous les éléments de base nécessaires pour devenir une entreprise intelligente : des processus numérisés et automatisés dans un environnement informatique mobile et centré sur les données, dans lequel les décisions sont basées sur les connaissances et les informations disponibles.»
° Seul, on l’imagine, c’est difficile…
«Oui. Un apport extérieur me semble nécessaire. Nos clients le savent : ils misent tant sur notre expérience des environnements cloud que sur celle des environnements hérités, notamment mainframe. La finalité ? Leur offrir le meilleur des choix, mais aussi les meilleures pratiques; leur fournir également la feuille de route idéale pour leur parcours de cloudification.
«Si les organisations belges et luxembourgeoises ont toujours été plus prudentes que leurs homologues anglo-saxonnes ou scandinaves, le paradigme a changé : les entreprises qui ont déjà totalement adopté les modèles commerciaux digitaux basés sur le cloud entrainent les plus réticentes si tant est qu’elles veulent rester compétitives… Voyez les banques qui font maintenant face à une concurrence d’acteurs aussi improbables que Google ou Apple ! Les modèles commerciaux traditionnels deviennent clairement obsolètes; seules les entreprises prêtes à se lancer dans le cloud finiront par survivre…»
° Une entreprise n’étant pas l’autre, ce voyage aura forcément une apparence différente pour chaque organisation et chaque direction ICT. Comment, dès lors, examiner l’impact que cela aura sur son architecture et sa gestion des ressources ?
«Bonne question ! Récemment, un responsable ICT me confiait que si le nombre de fournisseurs ICT traditionnels avec lesquels il traite était passé de 100 à 15 en quelques années seulement, le nombre de fournisseurs en mode SaaS était, lui, est passé de 1 à 35 ! Aujourd’hui, le plus gros défi consiste à intégrer ces fournisseurs de cloud dans l’architecture existante et à créer une politique viable pour gérer un environnement hétérogène.
«C’est là que les partenaires cloud stratégiques peuvent faire la différence. Ils peuvent aider les entreprises dans leur processus progressif vers le bon niveau de cloudification. En Belgique et au Luxembourg, cela commence généralement par un projet cloud soigneusement identifé, permettant d’apprendre le plus possible. Ensuite, ils testeront généralement plusieurs fournisseurs de cloud et augmenteront le nombre de projets… Chez Atos, nous prévoyons que l’utilisation du cloud dans l’infrastructure ICT passera très rapidement d’un rapport de un à quatre, plus précisément de 5% à plus de 25% !»
° Dans le livre blanc Digital Vision for Cloudification, Atos avance que transformation digitale et transformation de l’entreprise vont de pair. Les voyages de transformation seraient presque toujours initiés pour répondre à un besoin de l’entreprise…
«Oui et cela qu’il s’agisse de traiter les données plus efficacement et de manière plus sécurisée, d’étendre l’activité à l’espace mobile et social ou d’adapter la capacité d’une organisation à répondre à la croissance de l’entreprise et à l’évolution des besoins des clients... Les entreprises se tournent vers le cloud pour réduire leurs coûts ou pour créer et modifier rapidement des applications qui auraient normalement pris plusieurs mois. En ce sens, le cloud est devenu une arme majeure dans tout projet de transformation.
«N’en déduisez pas que le cloud est la finalité. La plupart des clients sont toujours confrontés à un énorme problème d’héritage de données et d’applications s’exécutant sur d’anciennes plates-formes. Il serait donc insensé de tout déplacer vers le cloud. D’abord, toutes les applications ou données ne sont pas prêtes pour le cloud. Pour certaines applications, il est plus logique de repartir de zéro que d’essayer de les migrer vers le cloud. Ensuite, déplacer simplement l’infrastructure actuelle vers le cloud signifierait également transférer vos anciens problèmes vers le cloud… Presque tous les projets de migration vers le cloud seront soit le déclencheur, soit la conséquence d’un projet de transformation plus vaste.»
Qui dit cloudification dit préparation
Pour Atos, une stratégie de cloudification réussie comportera toujours une préparation minutieuse, une intégration réfléchie des actifs cloud et non cloud, ainsi qu’un ensemble révisé de SLA définissant -ou redéfinissant- les niveaux de service commercial afin de garantir la fiabilité des opérations.
Une partie de la préparation consistera, d’une part, à redévelopper les applications afin de tirer parti des normes ouvertes et des API et, d’autre part, de les rendre plus modulaires et réutilisables. Cela impliquera également la centralisation, le regroupement et la modification des bases de données, afin de rendre les données plus accessibles et de combiner plus facilement les données de plusieurs sources. De même, cela nécessitera une approche plus industrialisée du développement d’applications, ce qui, in fine, contribuera à accélérer les cycles de développement. «Ne perdez pas de vue que l’accélération de la mise sur le marché est l’un des principaux moteurs du cloud !», rappelle Antoine Kerrinckx, General Manager, Atos Belgium & Luxembourg.
Une intégration réfléchie comportera deux phases. Dans une première phase, toutes les applications et données doivent être analysées pour déterminer la meilleure décision possible pour chaque application, par exemple, développer une application personnalisée dans le cloud, moderniser l’application et la transférer dans un PaaS, envelopper l’application existante et la déplacer dans un IaaS, laisser l’application telle quelle ou bien encore éliminer les applications pouvant devenir obsolètes ou redondantes… Dans la phase suivante, il sera nécessaire de s’assurer que tout fonctionne ensemble de manière transparente, non seulement techniquement, mais aussi au niveau des processus d’affaires. De même, les utilisateurs doivent bénéficier d’une expérience utilisateur plus simple et plus intuitive. Cela signifie, par exemple, accéder à des ressources cloud et non cloud à partir de la même interface utilisateur sans nécessiter plusieurs identifiants utilisateur et mots de passe.
«Globalement, lors de la mise en œuvre de la transformation cloud, deux principes essentiels doivent être respectés, souligne encore Antoine Kerrinckx. Un : penser grand. Deux : avancer par petites étapes. Lorsque vous combinez les deux, vous obtenez généralement les meilleurs résultats… et cela très rapidement.»
La technologie, rappelle Atos, a plus que jamais une incidence sur notre économie et notre vie quotidienne. Les prévisions varient, mais on nous dit souvent que, dans les prochaines années, la part de la technologie dans l’économie mondiale passera de 5 à 10%. «Traduit par les réalités commerciales de nos clients, cela signifie que chaque organisation dans chaque secteur considère quels processus d’affaires peuvent être automatisés ou comment les modèles commerciaux peuvent être transformés», estime Antoine Kerrinckx. Le passage à la numérisation est particulièrement marqué dans des secteurs tels que l’automobile, la fabrication et l’ensemble du secteur de la santé. Mais finalement, personne ne peut ignorer la tendance à la digitalisation.
La question stratégique sur quoi, quand et comment perturber en entraînera une autre, pratique, concrète : quelle stratégie cloud adopter ? Bref, quoi déplacer vers le cloud et aussi vers quel type de cloud ? «Dites-vous, d’abord, que la cloudification fait éclater la définition du périmètre central des départements informatiques.» C’est ainsi que les départements ICT auront moins à se préoccuper de la sécurité ou de l’évolutivité de leurs environnements, tout simplement parce que les fournisseurs de cloud public sont mieux équipés pour faire face à ces défis.
«Souvent, j’entends dire que 70% à 80% de l’ensemble des applications peuvent être déplacées assez facilement vers le cloud public partant qu’elles ne sont pas critiques à l’organisation et permettent un peu de latence. Et beaucoup de voir là une forme de sagesse. Je le conçois, commente Antoine Kerrinckx. Mais j’observe en même temps qu’un nombre croissant d’entreprises opte pour une stratégie axée quasi exclusivement sur le cloud public. Il y a peu, il était inconcevable pour beaucoup d’héberger dans un cloud public un environnement de type SAP; de nos jours, c’est devenu une pratique presque courante. C’est, pour moi, un signe qui ne trompe pas.»
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