Le contenu informationnel… futur de l’automobile selon Renault
Renault vient d’acquérir 40% du groupe de presse Challenges. Le constructeur s’apprête à devenir éditeur de contenu informationnel. Les heures de vie libérées par la voiture autonome vont représenter un immense gisement de services à proposer…
Challenges, Histoire, Sciences et Avenir… Des titres bien connus. Mais rien à voir avec le secteur de l’automobile. Pourquoi, dès lors, cette prise de participation de Renault ? Et si le futur de l’automobile était lié au contenu informationnel ?
Renault, éditeur de presse ? La prise de participation de Renault (40%) dans le groupe de médias Challenges a surpris. Qu’un magnat de la finance ou opérateur télécoms reprenne ces titres, voilà qui aurait été dans la logique. Le groupe Figaro appartient bien à Marcel Dassault, plus connu pour ses Rafale et ses Falcon. L’Express et Libération sont aux mains d’Altice, l’opérateur télécoms qui mise sur le contenu et les droits d’image. Mais l’introduction de Renault dans le secteur des médias laisse sans voix.
Pour Carlos Ghosn, l’emblématique président de Renault, il y a urgence. Si les industriels ne prennent pas leur avenir en main, les GAFAM -Google, Amazon et autres géants du web- s’en chargeront… L’avenir de la future voiture autonome est intimement lié au contenu informationnel. Les visionnaires du secteur l’avaient dit, l’ont répété. Renault est passé à l’action.
Tesla a bien engagé un partenariat avec Apple pour proposer de la musique en streaming, mais il n’y a rien de révolutionnaire à écouter de la musique en voiture. Pour Renault, on ne pourra se contenter de distraire les passagers avec de la musique. C’est l’information qui fera la différence. La qualité de l’information. Ghosn ne s’est pas trompé : les heures de vie libérées par la voiture autonome vont représenter un immense gisement de services à proposer…
Des voitures, des boîtes vides
«Le prochain sujet de l’industrie automobile, c’est le contenu informationnel. Soit on le prend chez un autre, soit on s’y intéresse nous-mêmes… Ce qu’on ne veut pas, c’est fabriquer des boîtes vides au profit d’autres acteurs», a commenté Carlos Ghosn. Autrement dit : pas question de servir la soupe aux Google et autres Amazon. Une voiture, demain, ce sera du logiciel, beaucoup de logiciel. Et ne pas s’y préparer c’est risquer de tomber dans le piège tendu par les éditeurs de contenu aux fabricants de téléphone. Le hardware, c’est fini. Et une voiture, aujourd’hui, c’est du hardware !
Jusqu’ici, le secteur de l’édition s’est montré dubitatif. Nombre de journalistes ont vu dans cette opération le moyen pour Claude Perdriel, 91 ans, de quitter la presse par la grande porte, alors que son groupe cumule les pertes… Il n’empêche. Cette alliance est historique. Jamais un tel rapprochement n’avait été envisagé. Jamais un constructeur automobile n’a été aussi loin dans le raisonnement.
Jusqu’où aller dans l’incorporation de services ?
Cette opération mérite d’être suivie. Elle indique une tendance. Pour l’heure, elle pose une question sur l’extension de la chaîne de valeur : à partir de quand un constructeur doit aller plus loin que vendre une voiture seule ? Jusqu’où peut-il aller dans l’incorporation de services ? Renault a pris les devants. Renault est en train de verrouiller et maitriser son contenus informationnel afin de jouer sur la différence. Dans ce contexte, on peut s’imaginer qu’il n’en restera pas aux titres du groupe Challenges -francophones, qui plus est. Nissan, sa filiale, pourrait en faire de même sur le continent asiatique.
Et si Renault décide d’aller plus loin, en rachetant d’autres titres de presse et d’autres créateurs de contenus, une autre question se fait jour : peut-il évoluer dans un écosystème fermé, c’est-à-dire un système d’applications propriétaires et non compatibles avec d’autres marques ? Les consommateurs, qui n’auront plus leur propre voiture, voudront avoir le même écosystème d’un véhicule à un autre…
Ce n’est qu’un début.