Non seulement le télétravail met à l’épreuve les outils et solutions, mais il revisite l’organisation même du travail, estime Antoine Kerrinckx, CEO Belux, Atos.

° Le 16 mars, notre pays entrait en phase de confinement. Comment avez-vous intégré cet événement ?

Nous avons réussi à basculer en mode remote en l’espace d’une demi-journée. Globalement, tous nos clients ont suivi. Pour certains, évoluant dans des environnements plus sensibles, comme la défense ou la finance, ce fut un peu plus difficile…

Après coup, on peut mettre en avant la réactivité tant de nos clients que de nos équipes, par exemple pour la mise en place des VPN et, plus généralement, les procédures d’accès et de sécurité. Cet événement est aujourd’hui derrière nous.

Pour Atos, notre organisation, peu de surprises. Nous connaissions les procédures. C’est tout notre effectif qui évolue désormais en télétravail, à l’exception d’une douzaine de collaborateurs contraints à travailler on-site chez des clients spécifiques… Ceci dit, nous avons beaucoup à apprendre.

° Quelles ont été les répercussions sur le business ?

Au final, fort peu. Réalisant environ 60 % de nos activités dans le secteur public, nous n’avons pas enregistré d’arrêt brutal de projets comme c’aurait pu être le cas dans le secteur privé pour les activités dites non-essentielles. Pas d’abandon de projets, à peine quelques reports. En termes de ressources, c’est une quinzaine de personnes impactées.

Solidarité, fraternité

° … Business as usual ?

Je m’interroge davantage sur l’évolution des activités demain. Et donc sur l’impact de cette crise inédite sur nos clients, également sur les clients de nos clients. J’appréhende l’impact économique au cours des mois à venir. C’est-à-dire, pour être précis, quand des projets seront reportés, voire annulés, quand aussi nous verrons des entreprises disparaitre, contraintes au dépôt de bilan.

° Les relations avec les clients ont-elles changé ?

Oui. Et de façon positive. La solidarité avec nos clients n’est pas un vain mot. Nous avons même vécu des moments de fraternité. Sur le terrain, nous avons ainsi pu aider des clients à basculer en mode remote en très peu de temps alors qu’ils n’y étaient pas du tout préparés; nous leur avons installé des outils de communication et de collaboration auxquels ils n’auraient sans doute pas songé. Et tout ça dans l’urgence, pour réagir, pour continuer… Il en restera quelque chose, c’est évident. Nos liens n’en sont et n’en seront que plus forts.

Reconsidérer le lien social

° Vous insistez sur le mode remote… Des leçons à tirer de cette expérience qui s’est étendue à toutes les organisations ?

Au départ, il s’agissait de gérer une crise. Aujourd’hui, cet événement nous interroge sur la façon de partager, de collaborer, voire d’appréhender le travail. Longtemps, le télétravail fut perçu sous l’angle du confort, avec ses avantages en termes de concentration et de gain de temps. Et là, du jour au lendemain, changement de statut : le télétravail est devenu mission critical. Il met à l’épreuve des outils et des solutions. Surtout, il revisite l’organisation du travail, ses fondements.

° Estimez-vous que l’on abordera la notion même du travail autrement ?

Incontestablement. Les entreprises seront amenées à reconsidérer le lien social. S’il est bon, s’il reposait déjà sur la confiance avec les collaborateurs, pas de problème, tout ira pour le mieux. En revanche, si la confiance n’y était pas…

Les entreprises auront à entretenir ce lien, peut-être à le redéfinir. En tout cas à l’animer. Pour beaucoup, ce sera une relation nouvelle, aujourd’hui au stade de l’expérimentation. Et puis, personnellement, je n’exclus pas de voir des collaborateurs désireux de continuer à travailler sur leur lieu de vie. De la même façon, dans l’entreprise, il faudra apprendre à gérer la distanciation… Bref, nous aurons beaucoup à apprendre de cette épreuve ! En tous cas si une nouvelle étape est à écrire dans la gestion des ressources humaines, sociales, technologiques, planétaires c’est un défi passionnant et une occasion unique de pouvoir y contribuer en tant que personne et en tant qu’entrepreneur.

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