Voir plus loin que la conformité. C’est notre futur qui est en jeu.

Alors que des voix s’élèvent pour alléger ou reporter la CSRD, une étude de Sweep et Capgemini montre l’importance à identifier précisément les bons indicateurs pour piloter la transformation durable. Et l’importance à disposer de données précises et exploitables.

81 % des entreprises situées dans quatre grands marchés affirment qu’elles ne survivront pas dans une économie bas carbone si elles ne se transforment pas. Telle est l’une des principales conclusions d’une étude Censuswide menée par Sweep et Capgemini Invent qui ont interrogé 554 responsables du développement durable issus d’institutions financières et de petites, moyennes et grandes entreprises. Si la reconnaissance du changement est claire, le possible report voire le démantèlement de la CSRD ( Corporate Sustainability Reporting Directive ) qui s’annonce refroidit. La Directive est attaquée de toute part. Son sort devrait être connu le 26 février prochain.

Ce serait dommage, commente Yannick Chaze, co-founder & CTO, Sweep, une plateforme de gestion des données carbone et ESG. « La CSRD va dans le sens de l’Histoire. La CSRD est un chaînon essentiel du Green Deal mis en place par l’Union européenne pour atteindre ses objectifs ambitieux à l’horizon 2050. »

Reporter ? Un mauvais signal

Ce changement de paradigme qui redéfinit la compétitivité est crucial pour garantir une croissance équilibrée et durable. Comme nos entreprises ont eu des audits financiers, il est normal qu’elles soient auditées sur l’extra-financier… « Si, aujourd’hui, des voix s’élèvent contre la CSRD, il serait dommage de s’attaquer à ses deux fondamentaux : les principes de transparence et d’extra-territorialité. Ce serait, j’en suis persuadé, un très mauvais signal, qui aboutirait à des résultats contraires à ceux qui sont visés par la Commission européenne. »

L’Allemagne et la France, en particulier, veulent un report. Côté belge, sans vraiment critiquer la CSRD, on s’associe aux Etats membres qui réclament une « pause réglementaire massive », voire un renoncement aux « réglementations qui entravent notre capacité à innover »…

Si la principale critique porte sur la « complexité » de la CSRD, il serait dommage de sur-simplifier la directive. « Ne dénaturons pas le texte, invite Yannick Chaze. En revanche, facilitons l’accès. Reconsidérons peut-être, aussi, les délais… »

Les fondements d’une entreprise qui veut prospérer

Beaucoup critiquent la complexité de la mise en œuvre de la CSRD. Et de mentionner ses 1200 indicateurs. C’est négliger le fait que tous ne sont pas obligatoires. En effet, il est possible, pour une entreprise, de justifier le fait que tel ou tel indicateur ne la concerne pas. Grosso modo, un tiers des indicateurs est plutôt de l’ordre d’une action rédactionnelle itérative, ce qui réduit le nombre de données chiffrées.

« Sans une bonne compréhension de leurs données ESG, les entreprises n’atteindront jamais l’objectif, insiste Yannick Chaze. Il ne s’agit pas seulement de répondre aux exigences réglementaires, mais de poser les fondements d’une entreprise qui veut survivre et, plus encore, prospérer dans une économie bas carbone ! »

On l’a compris, pas de succès sans un travail sur la collecte, l’analyse et le reporting des indicateurs de durabilité. Ce qui est la mission de Sweep. L’étude avec Capgemini a montré qu’il y a encore beaucoup à faire. Ainsi, près de la moitié (47 %) des entreprises déclarent être frustrées par la complexité des données qu’elles gèrent et considèrent qu’il est difficile de les interpréter.

Données pas assez complètes

De même, plus des trois quarts (78 %) des entreprises utilisent encore des feuilles de calcul pour suivre leurs émissions, ce qui pourrait entraver leur capacité à s’adapter aux demandes croissantes des régulateurs, des investisseurs et des consommateurs en matière de transparence.

Dernière surprise de l’étude, les lacunes dans la manière dont les entreprises suivent leurs émissions. Près des trois quarts (72 %) des organisations interrogées déclarent ne pas cartographier leurs émissions de Scope 3, bien que celles-ci représentent généralement plus de 70 % de l’empreinte carbone totale d’une entreprise.

Plus d’un responsable de la durabilité sur deux estime que les données ne sont pas encore assez complètes pour nourrir la stratégie, continue Yannick Chaze. « Mettez en place une gouvernance dédiée à la durabilité avec une équipe ESG ou un comité de durabilité. Une gouvernance forte est cruciale. Encore une fois, il ne s’agit pas seulement de piloter la conformité, mais d’intégrer l’ESG dans la stratégie de l’entreprise. » 

Bien plus qu’un projet IT

Le CTO de Sweep conseille encore d’utiliser des outils de gestion extra-financière pour centraliser et analyser les données, ce qui garantira la conformité des rapports et facilitera la comparabilité avec d’autres entreprises. Par ailleurs, appliquer la double matérialité pour identifier les impacts ESG -à la fois ESG et environnementaux/sociétaux. Enfin, communiquer de manière transparente. Ce qui veut dire impliquer les parties prenantes dans le processus afin de mieux comprendre leurs attentes.

« La CSRD est avant tout un projet de données mais nécessite aussi l’engagement de la direction, conclut Yannick Chaze. Son succès tiendra de l’engagement du conseil d’administration. A lui de se saisir du dossier. A lui d’établir des politiques, superviser les risques et les opportunités liés à l’ESG, intégrer ces considérations dans la stratégie globale de l’entreprise et assurer la transparence et la responsabilité envers les parties prenantes. Le changement climatique est global. »

Report de la CSRD ? Ou allègement décidé le 26 février ? Peu importe. La directive s’inscrit dans l’arsenal du Green Deal, visant à amener les émissions nettes de gaz à effet de serre en Europe à 0 d’ici à 2025. « On parle ici du futur, de notre futur », insiste Yannick Chaze.