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D’Or et de jungle, coup d’Etat 2.0 par un BigTech
Coup d’état fomenté par un BigTech. Hypothèse farfelue ? Pas tant que ça. « D’Or et de jungle », le dernier roman de Jean-Christophe Rufin aux éditions Calmann-Lévy. Un polar d’anticipation, selon son auteur.
« La seule façon de se protéger contre l’Etat, c’est d’en avoir un ! » Après un benchmark approfondi, le choix se porte sur le sultanat de Brunei, un petit Etat situé sur l’île de Bornéo, en mer de Chine.
Dans son dernier roman, « D’or et de jungle », Jean-Christophe Rufin imagine un coup d’Etat perpétré par un géant du numérique. Le raisonnement est le suivant : jusqu’à présent, les BigTech avaient pu se développer sans s’occuper de politique. Maintenant qu’ils s’intéressent de près à des sujets touchant aux fondamentaux des sociétés humaines -la monnaie, la biotechnologie, l’intelligence artificielle-, ils risquent d’entrer dans le dur.
Médecin, prix Goncourt, diplomate et académicien, Jean-Christophe Rufin a l’art de broder des histoires. Avec « D’or et de jungle », paru chez Calmann-Levy, il quitte les romans historiques qui ont fait sa renommée, pour le polar d’anticipation. L’auteur s’est inspiré du sultanat de Brunei pour créer un petit Etat fictif. « Je suis allé sur place pour préparer un coup d’État », s’amusait récemment l’auteur au micro de France Info. En effet, dans son dernier ouvrage, Jean-Christophe Rufin met en scène une société privée chargée de renverser le pays.
Coup d’État 2.0 « clés en mains »
L’originalité du texte de Rufin n’est pas tant dans l’exposition du potentiel manipulatoire du numérique -le maître du genre restant Giuliano da Empoli (« Les ingénieurs du chaos », « Le mage du Kremlin »…) -que dans la réflexion sur la dimension politique. Dans son roman, les géants du numérique ne sont plus de simples fournisseurs de campagnes de déstabilisation, mais deviennent d’authentiques commanditaires. Ils ne sont plus au service de pouvoirs autoritaires, ils se muent eux-mêmes en pouvoir politique.
Hypothèse farfelue ? Pas vraiment, et c’est précisément ce qui est glaçant : le scénario est plausible. Le monde ne manque pas de petits pays vulnérables qu’un « coup d’État clés en mains » pourrait livrer à des entreprises mille fois plus puissantes qu’eux. « Ce qui est très important, c’est pas la vérité des choses, c’est la vraisemblance », souligne-t-il. Pour ébranler une société et pour conquérir un pouvoir, il est possible d’avoir recours aux fake news, selon l’auteur. « Je voulais mettre en scène ce coup d’État 2.0 tel qu’à mon avis, il va se produire », confie l’ex-ambassadeur. Pour mettre en scène ce renversement, l’auteur a choisi le roman à l’essai, car il affirme croire « à la puissance du roman ».
Rufin et sa patte d’ancien diplomate
On lit avec jubilation la construction de ce coup de force qui se veut non-violent. Ou presque. Il y a quand même des piratages, des sabotages, des chantages, des fake news et autres campagnes de déstabilisation. On suit les acteurs de ce coup d’État. On y trouve d’anciens mercenaires, un vieil universitaire trotskiste, un opposant exilé et oublié, et quelques geeks hackeurs, susceptibles de forcer n’importe quel secret informatique.
Jean-Christophe Rufin y ajoute sa patte d’ancien diplomate, habitué aux questions géopolitiques et aux relations internationales, et aussi une description d’une région complexe que l’on connaît mal. De quoi nourrir notre curiosité de lecteur. Car rien, en apparence, ne destinait ce petit Etat à se trouver projeté au cœur de l’actualité mondiale. A l’issue, on se peut se demander s’il s’agit bien d’un roman ou d’un guide du parfait coup d’Etat, réaliste au possible et tellement alarmant sur le nouvel ordre mondial qui débarque à grand pas avec les géants du numérique.