Droit à la déconnexion : doit-on nécessairement légiférer ?
La Belgique doit-elle suivre la France en imposant un «droit à la déconnexion» ? Légiférer ou privilégier le dialogue et la concertation ?
Depuis le 1er janvier 2017, les entreprises françaises de plus de 50 salariés doivent appliquer le dispositif de droit à la déconnexion. Le texte de loi précise : «Les entreprises auront le devoir de mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique. Ces mesures viseront à assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale». Pas de loi similaire en Belgique, mais un projet porté par Catherine Fonck (CDH).
Le sujet refait débat depuis que la loi française est appliquée. En Belgique, le droit du travail n’évoque pas la question de la déconnexion explicitement. Tout au plus peut-on se référer à la loi de 1996 sur le bien-être au travail qui prévoit que l’employeur doit garantir que les conditions de travail n’entraînent pas des dégradations des conditions psycho-sociale du travailleur. Cela implique donc qu’il ne soit pas trop sollicité, voire harcelé en dehors des heures normales de travail… Trop flou, c’est évident. Mais faut-il légiférer pour autant, donc imposer des règles qui n’auront sans doute que peu de sens dans le monde du travail actuel ?
Pour les experts du travail collaboratif, la loi française donne des signes négatifs aux collaborateurs; elle est synonyme de déresponsabilisation et surtout d’infantilisation. A les entendre, on se trompe de cible en montrant du doigt l’outil. Il n’est pas l’unique responsable de tous les maux des collaborateurs comme le stress au bureau, l’anxiété, ou le burn-out… Ce n’est pas le smartphone qui ordonne à l’homme de consulter ses mails; le stress et la pression sont plutôt le fait des mauvais managers. C’est bien eux qui poussent les salariés à consulter leurs mails à minuit, la boule au ventre. Ce qu’on appelle «l’hyperconnexion» vient d’eux, avant de venir des machines.
Légiférer, par conséquent, risquerait de créer un effet pervers et davantage de pression, de stress… Exemple: un collaborateur qui va se forcer à envoyer un mail à 17:59 parce que son entreprise lui interdit de le faire après 18:00. Autre exemple : sur base des «trackers» qui permettent de connaître les heures de connexion des salariés, va-t-on punir un collaborateur parce qu’il a répondu à un mail après le dîner ?
Ce taylorisme n’est plus d’actualité. Pour les plus jeunes, la différence entre vie professionnelle et vie privée n’est plus aussi nette. Les entreprises pratiquent de plus en plus l’auto-régulation. Aussi, plutôt que légiférer, ne vaut-il pas mieux privilégier le dialogue et la concertation afin de prévoir des garde-fous ? Elargir à un maximum d’entreprises cette discussion entrainerait donc une spirale positive dans laquelle chaque partie y trouverait des avantages.