Vers une taxe de 10% sur les revenus jusqu’à 5.000 EUR, contre 33% dans la section «revenus divers».

Economie collaborative : à raison, le gouvernement fédéral veut un cadre réglementaire. Alexander De Croo, ministre fédéral de l’Agenda numérique, propose que les personnes qui exercent une activité dans le secteur de l’économie collaborative paient une taxe de 10% sur leurs revenus jusqu’à 5.000 EUR, rapporte Le Soir. Ce type de prestation via une plate-forme numérique est pour le moment soumis à une taxe de 33%, dans la section «revenus divers». Au-delà des 5.000 EUR, l’activité sera considérée comme un business à part entière; les revenus, alors, pourront être taxés jusqu’à 50%.

Pour les privés, c’est 10% de trop, une taxe arbitraire contraire à la philosophie de l’économie collaborative. Au contraire, pour les entreprises directement touchées par le phénomène de l’ubérisation de l’économie, ces 10% sont largement insuffisants face à la concurrence déloyale qu’ils subissent.

Ce taux de 10% est un compris. C’aurait pu être 5% ou 15%. Plus que le taux, il fait voir dans ces 10% la volonté du gouvernement de donner une chance à ces nouveaux concepts poussés par des micro-entrepreneurs… tout en essayant de protéger les modèles traditionnels. Ce qui revient à mécontenter tout le monde.

Pour l’UCM, l’arsenal législatif existant suffit

Pour l’UCM (Union des Classes Moyennes), «il est inutile d’inventer, dans la précipitation, un statut nouveau et des conditions d’exercice particulières. L’arsenal législatif existant suffit à couvrir l’ensemble des situations et des besoins, moyennant une agréation des plateformes, soumises à certaines obligations.»

En ce qui concerne les prestataires, dès lors qu’ils sont plus ou moins réguliers, il n’y a que trois cas de figure. Un : il s’agit d’indépendants qui utilisent les intermédiaires électroniques pour élargir leur clientèle; les services prestés rentrent alors dans leur activité ordinaire. Deux : il s’agit de salariés ou de fonctionnaires (voire de retraités) qui arrondissent leurs fins de mois; le statut d’indépendant à titre complémentaire est taillé pour ce genre d’activité, avec son exonération de cotisations jusqu’à 1.439 EUR de revenus par an. Trois : il s’agit de demandeurs d’emploi; dans ce cas, une activité professionnelle ne doit pas être possible.

L’UCM propose que, pour la souplesse du système, les intermédiaires (plateformes et applications diverses) doivent être agréés et assument par mandat les obligations de base des prestataires : obtention du numéro d’entreprise à la Banque-carrefour, inscription à une caisse d’assurances sociales, retenue à la source d’un précompte si les montants gagnés le justifient. Et de demander une concertation avec les acteurs concernés pour mettre en place un cadre légal et réglementaire qui ne bride pas les vocations entrepreneuriales, tout en respectant les professionnels des secteurs exposés à cette concurrence déloyale organisée.

Bref, insiste encore l’UCM, «imposer, dans les faits, un prélèvement limité à 10% pour le travail via une plateforme collaborative n’a aucune commune mesure avec les charges (cotisations de 20,5% et impôt jusqu’à 50% après déduction de frais à justifier) que doivent assumer les indépendants à titre principal ou complémentaire. Des acteurs économiques concurrents doivent participer équitablement au financement de l’État et de la Sécurité sociale.» 

La situation belge n’a rien de particulier

Le gouvernement est mal pris. Il lui faut à la fois garantir la transparence en matière fiscale sur les pratiques des plateformes numériques et ne pas entraver l’essor des start-up en train de construire une partie de l’économie de demain. Ne nous leurrons pas : l’économie collaborative est une alternative crédible à un modèle de consommation qui s’essouffle. C’est vrai pour ceux qui créent une activité au départ de plates-formes existantes; c’est vrai aussi pour ceux qui créent ces plates-formes.

La situation belge n’a rien de particulier. Tous les pays sont confrontés à ce type de situations. En France, par exemple, seront exonérées d’impôts, quel que soit le montant généré, les activités qui ne génèrent aucun profit, à l’instar du covoiturage. De fait, il n’y a pas de création de valeur : les utilisateurs revendent moins cher un produit qu’ils ont acheté. Idem pour certaines plates-formes de mise en relation qui ne prennent pas de commission.

Pour Eric Toulemonde (Unamur) et Paul Belleflamme, économiste et professeur à la Louvain School of Management, auteurs de Tax incidence on competing two-sided platforms : «Lucky break or double jeopardy», on ne peut se contenter d’un statu quo. En même temps, taxer peut être contreproductif. En prenant l’exemple de la plateforme Airbnb, ils expliquent : «Les prix augmenteront, ce qui risque de décourager les candidats hôtes et les candidats voyageurs. Et si les candidats hôtes se retirent, alors il y aura moins de candidats voyageurs et s’il y a moins de candidats voyageurs, cela deviendra encore moins attractif pour les candidats hôtes. On entre alors dans une spirale, qui ne manquera pas de faire réagir la plateforme qui trouvera une stratégie pour réduire les effets négatifs de cette taxation. Tout cela induira une série d’effets secondaires dont l’influence combinée n’est pas évidente à apprécier.»

L’enjeu pour les gouvernements est donc d’estimer au mieux les différents effets afin de taxer de manière efficace et juste les revenus générés sur et par les plateformes de l’économie du partage, sans réduire la capacité d’innovation de ces plateformes et sans faire supporter la taxe par un autre groupe que celui qui était visé initialement.

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Economie collaborative : 10% sur les revenus privés ?
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