ePrivacy : les éditeurs européens demandent une révision du projet
Une trentaine d’éditeurs de presse européens réclament la révision d’ePrivacy, le projet de règlement européen sur les données personnelles, qui menace selon eux leur modèle économique.
Le futur réglement ePrivacy -appelé à remplacer la directive actuelle- permettrait à chaque internaute de décider dès sa première connexion du niveau de protection qu’il souhaite pour l’ensemble des sites qu’il visitera par la suite. Il ne déciderait donc qu’une seule fois d’accepter ou non les cookies, ces fichiers invisibles qui se greffent sur un ordinateur pour capter des données personnelles, et non site par site.
L’intention est louable… la mise en application l’est moins, jugent des patrons de presse qui rappellent, dans une lettre ouverte, que «90 % de l’accès à Internet sur le territoire européen est contrôlé par quatre entreprises seulement : Google, Apple, Microsoft and Mozilla et que l’orientation prise par la Commission n’aboutira qu’à renforcer l’asymétrie du rapport entre les éditeurs de presse et les portails numériques mondiaux. Sous couvert de protéger la vie privée des internautes -notre but à tous- on empêche les éditeurs de pouvoir mettre en place une stratégie de data et on laisse au contraire la main aux GAFAM.»
Alors que la data est le nerf de la guerre publicitaire que se livrent géants du Web et groupes médias, donner les clés de la «cookification» des individus aux navigateurs Internet, c’est leur conférer un sérieux avantage. C’est d’autant plus problématique que les quatre acteurs qui éditent les plus populaires d’entre eux sont américains et qu’ePrivacy entraînera donc une concentration des données des citoyens numériques européens dans leurs mains. Ce qui, on imagine, n’est pas l’objectif des experts de la Commission.
Affaiblis face au quatuor Google, Apple, Microsoft et Mozilla, les groupes médias le sont également par ricochet face à un autre géant du Web : Facebook. Car compliquer le travail des éditeurs au moment de recueillir le consentement des internautes qu’ils cookifient, c’est avantager un groupe comme Facebook qui peut lui s’appuyer sur ses conditions générales d’utilisation et les identifiants uniques dont il dispose pour faire du ciblage publicitaire.
Bref, ce projet «prive les éditeurs de presse de la capacité d’informer chacun des lecteurs sur les raisons pour lesquelles leur consentement est sollicité, d’expliquer les avantages de contenus journalistiques et marketing personnalisés, et de rappeler l’importance de l’abonnement et de la publicité dans le modèle économique d’une presse de qualité», regrettent les 33 éditeurs signataires.
Les éditeurs notent enfin l’existence d’une divergence majeure avec les principes arrêtés par le GDPR qui s’appliquera en mai 2018. Le texte va obliger chaque site Web à s’assurer que les internautes comprennent comment les données relatives à leur navigation sont recueillies et devra leur donner les moyens de contrôler ce processus. «La création d’un consentement global unique au niveau de chaque navigateur, tel qu’envisagé dans le projet ePrivacy, va à l’encontre de la mise en œuvre concrète de ce renforcement du contrôle par les internautes et d’une garantie de transparence», constatent les patrons de presse. C’est toute la logique CRM des éditeurs depuis la personnalisation du contenu jusqu’à la relation client qui est mise à mal.