«Après avoir uniformisé leurs processus, les entreprises vont se réapproprier le pouvoir par le logiciel, assure Eric Duffaut. Et pour cela, il faut co-innover.
Prenant Google et Amazon pour modèles, Goldman Sachs a lancé une offensive contre les start-up de la fintech qui ambitionnent de faire de l’ombre aux géants de Wall Street. Exit le terme même de «banque». Goldman Sachs, par la voix de son président Lloyd Blankfein, entend se présenter comme une «entreprise de technologie».
«Après avoir uniformisé leurs processus, les entreprises vont se réapproprier le pouvoir par le logiciel, assure Eric Duffaut, Chief Customer Officer & Member of the Management Board, Software AG. Quel serait l’avenir de Goldman Sachs ou de toute autre organisation si l’industrie de la finance dispose des mêmes outils, des mêmes méthodologies ? Le plus gros pourrait acheter le plus petit, mais quel avenir hormis cette forme de phagocyté ? Dans l’économie d’aujourd’hui, on ne progresse plus en rachetant, on avance en se différenciant, donc en construisant !»
Le cas de Goldman Sachs n’est pas unique. En Europe, Bosch a annoncé début mars le lancement de son propre cloud dédié aux services web. Le Bosch IoT Cloud servira les activités mobiles, industrielles et immobilières -des activités connectées, évidemment. Bosch a décidé d’appliquer la citation ‘On n’est jamais mieux servi que par soi-même’ de Napoléon Bonaparte. Et de se présenter, désormais, comme un fournisseur de services.
Transformation = opportunité
Software AG a assisté Bosch dans sa transformation. Eric Duffaut parle de co-innovation. «Bosch est la seule entreprise au monde à être active sur les trois niveaux de l’Internet des objets. Le groupe fournit des technologies clés comme des capteurs et des logiciels qui rendent la connectivité possible; aujourd’hui, il finalise de nouveaux services. Pour Bosch, la transformation digitale n’est pas une menace, mais une formidable opportunité à saisir…»
Autre exemple, Atrias. A travers cette clearing house, les sociétés de distribution d’énergie belges Eandis, Infrax, Tecteo, Ores et Sibelga vont utiliser une nouvelle norme pour l’échange d’informations dans le cadre des processus de marché libéralisés. Les opérateurs de réseaux pourront partager les coûts d’infrastructure informatiques fixes, simplifier la conformité, améliorer la transparence du processus et normaliser les processus d’échange d’informations. Piloté par Accenture, ce projet fait aussi appel à Avanade pour mettre en œuvre une solution de cloud privé de Microsoft Azure. Accenture mettra en œuvre le système de gestion des données des compteurs et des informations client Ferranti MECOMS et déploiera sur le dessus de celui-ci une couche d’intégration webMethods de la nouvelle plate-forme numérique d’entreprise de Software AG. Un bel exemple de co-innovation.
On est entré dans l’ère du «co-» : co-innovation, co-conception, co-création de valeur, coopération, coopétition, aussi bien avec les clients qu’avec les fournisseurs, voire les concurrents. Il faut à la fois anticiper l’évolution des acteurs de l’écosystème et s’allier au(x) bon(s) partenaire(s), avec lequel (ou lesquels) on partagera conjointement les opportunités et les risques, on s’engagera sur l’atteinte d’objectifs communs…
Pour l’entreprise, cela signifie ré-inventer ses modèles organisationnels pour aller chercher cette innovation dans les usages de la rue et s’ouvrir à l’intelligence collective de son écosystème, géographiquement dispersé et multiculturel. Mais pour cela, elle doit lever des freins majeurs : casser les silos et alléger le poids de la culture hiérarchique.
En tirant parti des données qui proviennent des états, des régulateurs, des clients, ou même qui transitent via les réseaux sociaux et les communautés de fans, elle capte des innovations et de l’expérience client.
Co-innover plutôt qu’innover
La co-innovation est au coeur de la stratégie de software AG. Pour tout le monde, la concurrence est exacerbée, avec l’apparition de nouveaux acteurs qui viennent directement la concurrencer et la menacer sur son cœur de métier. Le risque de désintermédiation rend fondamental la maîtrise de la relation client, la personnalisation de masse, la co-conception avec les nouveaux acteurs. L’entreprise doit donc se différencier et innover plus vite que ses concurrentes, en capitalisant sur les données et en favorisant l’expérience client. «Aujourd’hui, constate Eric Duffaut, 90% du travail d’un CIO consiste à faire tourner l’existant. Quel est encore son pouvoir ? Deux tiers des CEO ont le numérique à leur agenda, assure Forrester Research. C’en est fini de considérer l’IT comme un mal nécessaire. Il est temps d’innover. Et, pour innover vite et bien, de co-innover.»
Pour coller à l’évolution des besoins et des usages, il faut penser -et agir- tout au plus en semaines. Et, à nouveau, mettre les mains dans le cambouis. C’est ce qu’a fait GM, qui n’a pas hésité à recruter 8000 développeurs pour digitaliser ses ventes. La démarche a surpris. Pourquoi, en effet, monter de toute pièce un service de vente quand il existe des plateformes spécialisées ? Et quand il est possible de tout externaliser ? La réponse du géant de l’automobile : utiliser une plateforme du marché, aussi customisable soit elle, oblige à exploiter des cas d’usage reconnus. Or, dans l’économie digitale, ce qui importe c’est précisément de pouvoir inventer des cas usages et des modèles qui ne sont pas ceux de la concurrence ! GM est arrivé à construire une plateforme qui tient compte d’absolument toutes ses contraintes propres et à les adresser de la manière la plus efficace possible plutôt que rentrer dans le moule d’une solution faite «pour le plus grand nombre de cas»…
«J’ai débuté ma carrière chez Oracle. A l’époque, le pouvoir était dans la base de données, le DBMS était le coeur des entreprises. J’ai connu la révolution SAP avec R/3. Un applicatif standard pour automatiser les processus. Autre révolution, Salesforce avec un magnifique CRM à travers le cloud. La même technologie et donc la même façon de faire pour toutes les entreprises, constate encore Eric Duffaut. Comment, dès lors, se distinguer ? Et comment, aujourd’hui, survivre, quand des Airbnb et Uber nous montrent comment on peut changé la donne ? Pour un Lexmark, avec qui nous travaillons, combien d’entreprises sont prêtes à changer de modèle ? Lexmark, précisément, se présente dorénavant comme un fournisseur de services d’impression et non plus comme un fabricant. Lexmark capitalise davantage sur la maintenance préventive qui suppose d’autres processus. A partir de là, vous pouvez vous différencier et réellement créer de la valeur.»
La numérisation est le moteur d’un changement sismique dans le développement informatique. Les entreprises peuvent ne pas être totalement dépendantes de fournisseurs de logiciels; elles peuvent développer elles-mêmes la technologie qui soutiendra leur différence. Ou la co-développer. C’est la mission que s’est donnée Software AG. Pour Eric Duffaut, pas de doute : la numérisation est en train de transformer chaque entreprise… en société de logiciel !