Quand Homo Deus évincera l’Homo Sapiens
Dans Homo Deus, l’historien israélien Yuval Noah Harari démontre que les nouvelles technologies permettront à l’homme d’atteindre un nouveau stade de l’évolution.
Les anciens logiciels étaient programmés par des humains. Les nouvelles machines sont capables d’apprendre par elles-mêmes, comme l’a démontré le programme AlphaGo, développé par Google Deepmind. Jusqu’où ? On peut toujours opposer le fameux paradoxe de Moravec : ce qui est compliqué pour nous est facile pour les robots -comme jouer au jeu de Go. En revanche, ce qui est simple pour nous -comme monter des escaliers ou ouvrir une porte- se révèle très difficile à apprendre pour une machine. Nous accomplissons ces tâches «sensorimotrices», parce que nos cerveaux sont l’aboutissement de millions d’années d’évolution. Mais demain ?
Vous avez aimé Sapiens : Une brève histoire de l’humanité ? Voici la suite : Homo Deus. Yuval Noah Harari, professeur d’histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem, nous invite à un nouveau voyage dans le temps. A comprendre, en particulier, comment l’Humanité, en contrôlant de mieux en mieux son univers, conduit à un découplage croissant de l’intelligence et de la conscience. Explication. «En tant qu’organismes vivants, avance l’historien-gourou, nous sommes des sortes de machines traitant de l’information, sauf que nous avons créé des réseaux informatiques qui analysent aussi toutes les données disponibles… et bien mieux ! Bientôt, ces réseaux établiront des diagnostics de notre situation, meilleurs que ce que nous serons en mesure d’effectuer. Ils pourront nous dire à tout moment ce qui est bon pour notre santé, ce que nous devrions faire, ce qui nous fera plaisir… En ce sens, ces algorithmes, sans devenir conscients, seront de plus en plus intelligents. Nous finirons donc par leur faire confiance et par leur déléguer notre pouvoir de décision.»
Nous avons externalisé à Google…
La question, bien évidemment, est et reste : jusqu’où ? Sans doute très rapidement. Voici vingt ans, nous connaissions tous au moins une dizaine de numéros de téléphone par coeur, aujourd’hui ce sont nos smartphones qui s’en souviennent pour nous. Nous avons externalisé à Google une partie de ce dont le cerveau se souvenait car on sait que nous pouvons le retrouver en quelques secondes. Nous passons nos temps de transport en commun et d’attente, le nez sur nos mobiles, qui ne servent plus qu’exceptionnellement à téléphoner. Si cela ne nous étonne déjà plus, force est de reconnaitre que les technologies sont en train de changer profondément la nature même d’Homo Sapiens en tant qu’espèce.
Imperceptiblement, tout va de plus en plus vite. «Nous sentons aussi qu’il n’y a pas de pédale de frein, soutient Yuval Noah Hariri. L’Humanité a trouvé -à tout le moins techniquement- la clé à ses trois grands fléaux historiques, qui ont décru rapidement dans les dernières décennies : les famines, les épidémies et les guerres. Jusqu’à la contradiction : il y a aujourd’hui trois fois plus de décès dus à l’obésité qu’à la malnutrition. A lui seul, le sucre est plus dangereux que la poudre à canon et McDonald’s tue plus que la sécheresse, Ebola ou Daech.»
Les solutions de Dieu… peu fiables
Selon Yuval Noah Hariri, cet Homo Deus est à nos portes C’est une question de décennies, mais plus de siècles. Déjà, l’homme actuel pourrait apparaître comme un dieu aux yeux de ses ancêtres. Autrefois, les hommes attendaient de leurs dieux des solutions à leurs problèmes pratiques. On tombait malade, on priait Dieu. Il ne pleuvait pas assez, on priait encore. De nos jours, la science et le progrès technique ont, pour la plupart des problèmes, des solutions bien meilleures que des dieux… peu fiables.
L’Homo sera Deus quand il créera la vie. «Je crois qu’au XXIe siècle les principaux produits de l’économie ne seront plus les biens matériels mais les corps, le cerveau et la conscience, autrement dit la vie artificielle. L’Homo Deus a trois façons de passer au niveau supérieur : la bio-ingénierie, les cyborgs et la vie anorganique. Si ça marche, nous serons des dieux !» Pour «devenir ce qu’il est, écrivait en son temps Nietzsche, l’homme prendra le relais de la création de la main de Dieu.»