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IA, des destructions d’emplois, oui, mais…
Une enquête d’ING Belgique indique que 42% des Belges estiment que l’IA va conduire à des destructions d’emplois… alors que seulement 3% craignent pour leur propre emploi ! Mise au point avec Charlotte de Montpellier, Senior Economist, ING.
Une étude du service économique d’ING Belgique révèle que 3,3 millions de Belges occupent des emplois exposés à l’IA. Pour un mieux ? Pour un mal ? Les Belges ne savent pas encore très bien ce qu’ils attendent de l’essor de l’IA, estime Charlotte de Montpellier, Senior Economist, ING. Des destructions d’emplois, il y en aura. Mais….
« L’ambiguïté avec laquelle le sujet de l’intelligence artificielle est perçu pourrait trouver son expression la plus juste dans le fait que, selon notre enquête auprès de la population belge, les affirmations ‘l’IA est un danger pour la société’ et ‘l’IA est une opportunité pour la société’ ont toutes les deux recueilli beaucoup plus d’accord que de désaccord de la part des participants. »
Un impact, oui, mais pas pour moi…
51% des Belges pensent que les produits et services utilisant l’IA vont profondément changer leur vie quotidienne au cours des cinq prochaines années. Et pas forcément en bien. 42% des Belges s’attendent à ce que, dans l’ensemble, l’utilisation généralisée de l’IA coûte plus d’emplois qu’elle n’en crée au cours des cinq prochaines années. Cela vaut pour toutes les tranches d’âge, tous les sexes et toutes les professions.
Toutefois, en ce qui concerne leur propre emploi, les personnes interrogées ne semblent pas trop inquiètes. Seulement 3% des Belges qui travaillent actuellement s’attendent à ce que leur emploi soit remplacé par l’IA au cours des cinq prochaines années, les cadres et les professions libérales affichant les chiffres les plus bas. Un tiers d’entre eux ne s’attendent pas à ce que leur travail soit affecté de quelque manière que ce soit.
Des destructions d’emplois, mais pas de chômage de masse
Le service d’études économiques d’ING estime que l’IA a le potentiel de transformer radicalement le marché du travail, en impactant les travailleurs de tous niveaux de compétences dans une grande variété d’entreprises et de secteurs. En appliquant la méthodologie du FMI à la Belgique, Charlotte de Montpellier estime que 65 % des travailleurs belges occupent des emplois à forte exposition à l’IA, soit 3.3 millions de Belges, ce qui signifie qu’ils seront affectés par l’IA.
31 % des emplois (1.6 million de Belges) se situent dans des professions à forte exposition et à forte complémentarité, susceptibles de bénéficier de l’IA, et 34 % (1.7 million de Belges) dans des emplois à forte exposition et à faible complémentarité, où l’IA est plus susceptible de remplacer des tâches humaines. Toutefois, ces chiffres ne signifient pas que ce pourcentage de travailleurs va perdre son emploi. Environ 34 % des travailleurs Belges ne seront probablement pas affectés par l’IA.
Les managers sont les plus exposés
Appartenant principalement à la catégorie « forte exposition et faible complémentarité », le personnel administratif sera probablement le plus touché par l’IA… et des pertes d’emplois sont probables dans cette catégorie. À l’inverse, les managers sont très exposés à l’IA, mais sont plus complémentaires de la technologie et donc plus susceptibles d’en bénéficier.
« Les processus de mise en œuvre se font rarement du jour au lendemain, la transformation des emplois sera donc progressive, poursuit Charlotte de Montpellier. Dans le même temps, la demande continuera d’évoluer, de nouveaux besoins et de nouvelles professions sont susceptibles d’apparaître. En outre, il faut tenir compte de l’évolution de l’offre de main d’œuvre. Dans un contexte de vieillissement de la population, l’IA ne devrait pas conduire à du chômage de masse en Belgique. » Inutile, donc, de lier destructions d’emplois et chômage de masse.
31% des Belges s’attendent à un impact positif sur la croissance
Plus de 31 % des Belges s’attendent à un impact positif sur la croissance belge au cours des cinq prochaines années, tandis que 18 % s’attendent à un impact négatif.
Pour que l’IA puisse avoir un impact sur la croissance économique au niveau macroéconomique, il faut que l’IA ait un impact sur la productivité. Force est de constater que, malgré l’adoption croissante de l’IA, la croissance de la productivité dans de nombreux pays, dont la Belgique, a été relativement lente ces dernières années. L’absence actuelle d’un impact important de l’IA sur les chiffres de la productivité au niveau national ne signifie toutefois pas qu’il n’y aura pas d’impact du tout. En fait, il est tout simplement trop tôt pour que l’impact se fasse déjà sentir dans les chiffres globaux.
Patience, encore, avant de voir un impact
La littérature économique a montré que l’invention de technologies à usage général telles que l’électricité et l’ordinateur personnel a d’abord entraîné une baisse de la productivité, car elle a imposé des changements dans les méthodes de production, l’organisation des entreprises et l’investissement dans le capital humain, rappelle Charlottre de Montpellier. « Historiquement, un boom de productivité est d’habitude précédé pendant 2 à 3 ans par une hausse des investissements dans les équipements permettant l’utilisation de la nouvelle technologie… In fine, nous pensons qu’il faudra attendre quelques années pour que l’essor de la productivité soit réellement visible dans les données macroéconomiques. »
Le service d’étude économique d’ING estime que les gains de productivité générés par l’IA au niveau macroéconomique seront significatifs. En revanche, l’effet incrémental sera plus faible qu’estimé par certains. Les gains de productivité liés à la seule IA pourraient à terme être maximum 1 point de pourcentage sur base annuelle au niveau global, soit un impact équivalent à celui de l’invention de l’ordinateur personnel et d’internet. Toutefois, cela ne signifie pas que la croissance de la productivité augmentera effectivement de quasiment 1 point de pourcentage. Alors que l’IA pourrait être à l’origine de gains de productivité, d’autres facteurs, notamment le vieillissement de la population et la baisse des gains de productivité des innovations antérieures, joueront dans l’autre sens et pèseront sur la croissance de la productivité.