L’Administration Biden limite l’export de technologies sur fond de rivalité entre puissances
Véritable « game changer », la loi « Export Control Framework for Artificial Intelligence Diffusion », introduite par le Gouvernement, s’apprête à redéfinir les règles du commerce international des technologies de pointe.
En quelques heures à peine, les USA ont promulgué un nouveau cadre juridique qui impose des quotas de GPU et de LLM au reste du monde. Et cela à la veille du changement de présidence… 170 pages, à lire sous forme de fiche d’information, laisse sans voix l’industrie.
Premier pays ciblé, la Chine !
Aux premières loges, Nvidia ne décolère pas. À son secours, mais aussi au nom d’AMD, Intel, Broadcom et tous les autres fabricants de puces qui intègrent des accélérations liées à l’IA dans leurs circuits, la SIA (Semiconductor Industry Association) a vigoureusement appelé à retirer le texte : « Nous sommes profondément déçus qu’un changement de politique de cette ampleur et de cet impact soit précipité quelques jours avant une transition présidentielle et sans aucune contribution significative de l’industrie », écrit le dirigeant du puissant lobby des semiconducteurs américains dans un manifeste.
En Chine, principale bête noire de l’économie mondiale pour les USA, le ministre du Commerce dénonce bien évidemment une loi « abusive » qui serait « moins faite pour protéger la sécurité étatsunienne que pour prendre le contrôle total du commerce de l’IA », rapporte le tabloïd chinois Global Times. Pour répondre aux sanctions américaines, Pékin pourrait redoubler d’efforts et développer ses propres solutions, comme le montrent les progrès récents de Huawei avec sa puce Kirin 9000s.
Le « game changer » va diviser le monde divisé en trois
Les pays sont classés en trois catégories : les ennemis qui n’auront droit à rien (Chine, Russie, Iran, Corée du Nord…), les alliés qui auront droit à tout, mais sous contrôle de Washington (dix-huit pays occidentaux dont la Belgique les pays scandinaves, le Canada, ainsi que Taiwan, la Corée du Sud et le Japon) et tous les autres, parmi lesquels le Portugal, l’Autriche ou encore Israël, qui seront soumis à des quotas. Bloomberg publie sur son site une mappemonde qui indique d’une couleur à quelle catégorie appartient chaque pays.
Pour autant, les contrôles et les quotas ne s’appliqueront pas à des États, mais à des « entités ». Les entités basées dans les pays alliés pourront acheter autant de « capacité de calcul IA » qu’elles le souhaitent pour les utiliser à domicile. Elles pourront faire une demande auprès de Washington d’une licence Universal Verified End User (UVEU) qui les autorisera à exporter vers des pays non-ennemis 7 % de la capacité IA qu’elles auront achetée.
Une opportunité pour l’Europe ?
Paradoxalement, l’Europe n’est pas complètement démunie face aux incertitudes suscitées par l’attitude de Washington. Elle pourrait tout à la fois se voir freinée et stimulée par ce game changer.
D’une part, la limitation des flux technologiques pourrait ralentir l’accès à certains composants critiques, augmentant les coûts pour les entreprises européennes -les entreprises dépendant fortement des GPU américains pour entraîner leurs modèles. D’autre part, cette situation pourrait aussi susciter des initiatives continentales vers une autonomie accrue.
Accélérer la création de solutions locales
L’application de cette loi pourrait inciter l’Europe à redoubler d’efforts pour garantir sa souveraineté technologique. La limitation de l’accès aux technologies américaines expose les faiblesses structurelles des écosystèmes européens, mais pourrait aussi créer un électrochoc nécessaire pour stimuler l’innovation locale.
Les pays européens ont déjà lancé des initiatives ambitieuses, comme l’Alliance européenne pour les processeurs et semiconducteurs, visant à créer une filière locale solide. Le budget de 43 milliards EUR alloué par l’UE dans ce cadre pourrait accélérer la création de solutions locales et renforcer l’autonomie du continent.