Sommet international ou démonstration de force française ?

10 et 11 février 2025, Sommet pour l’Action sous la nef du Grand Palais à Paris. Un événement qui se veut international de par la présence de nombreux chefs d’État et de dirigeants d’entreprise tech du monde entier, mais avant tout un grand baroud d’honneur français. Paris fait son show.

Les milliards continuent de pleuvoir dans l’IA. A l’occasion du Sommet International de l’IA, qui se déroule à Paris ces lundi et mardi, Emmanuel Macron a annoncé, dimanche soir lors du 20 heures de France 2, des investissements de 109 milliards EUR en France dans « les années à venir ».

Pour être précis, ce giga montant est plus international que français : il inclut notamment l’investissement des Emirats arabes Unis ( entre 30 et 50 milliards ) annoncé en grande pompe la semaine passée et du fonds canadien Brookfield ( 20 milliards )

On s’en doute, le montant de 109 milliards n’a pas été choisi par hasard ; il équivaut au montant de 500 milliards de Stargate rapporté à la population… Sommet international ou démonstration de force française ? Show politique ? La question peut être posée.

Trois visions mondiales de l’IA

Le rendez-vous se veut mondial. Co-présidé par Emmanuel Macron et le Premier ministre indien Narendra Modi, le Sommet accueillera tout au long de ces deux jours de nombreuses personnalités fortes de l’IA à l’image de Sam Altman, le patron d’OpenAI, Dario Amodei, CEO d’Anthropic, Arthur Mensch, patron de Mistral AI, ou encore Éléonore Crespo, co-fondatrice de Pigment. Seront présents également Sundar Pichai, patron de Google, Brad Smith, président de Microsoft, Demis Hassabis, CEO de Google DeepMind, Clément Delangue, CEO d’Hugging Face  ou encore Eric Schmidt, ex-Google, à l’origine du laboratoire Kyutai.

L’un des moments clés du sommet portera sur la gouvernance mondiale de l’IA, où trois visions distinctes s’affrontent -Chine, Etats-Unis et Europe. Cette confrontation montre non seulement les priorités divergentes des grandes puissances économiques, mais aussi les fractures entre pays développés et nations émergentes.

De toute évidence, ce sera l’occasion de tester l’approche européenne, qui repose sur une régulation stricte imposant des obligations de transparence, encadrant les modèles avancés et interdisant des applications à risque, telles que la surveillance biométrique ou la notation sociale pour garantir le respect des droits fondamentaux. Mais qui soulève également la question de savoir si des règles trop rigides pourraient freiner l’innovation et la compétitivité des entreprises européennes.

L’IA au service de l’intérêt général

Quid, dans cette trilatérale, des pays émergents, souvent en retard sur l’accès aux infrastructures nécessaires à l’IA, lesquels dénoncent une régulation dictée par les grandes puissances économiques ? L’Afrique et l’Amérique latine craignent une marginalisation dans un écosystème dominé par les États-Unis, la Chine et l’Europe. Ces régions réclament des politiques plus inclusives, capables de leur offrir un accès équitable aux infrastructures et aux savoir-faire technologiques.

De fait, si l’IA est souvent présentée comme un moteur de création de richesse, son potentiel pour améliorer le bien-être social et favoriser une croissance verte reste trop souvent négligé. Il s’agira donc de « cadrer » la chaîne de valeur pour exploiter pleinement ses bénéfices. Un fort déséquilibre menace. La domination des États-Unis et de la Chine, soutenue par des investissements massifs, a conduit à une concentration extrême du secteur, où l’intérêt général peine à rivaliser avec les impératifs de croissance.

Effet d’annonce, show

Ce Sommet ne fera pas de magie et n’imposera pas immédiatement des mesures concrètes. En revanche, il peut servir de déclencheur. Or, en annonçant dimanche soir un investissement « national » de 109 milliards dans l’IA, Emmanuel Macron a joué sur l’effet d’annonce, une réponse politique à Donald Trump. Du show. C’est regrettable.

Les vrais sujets de ce Sommet sont ailleurs : souveraineté numérique, militarisation de l’IA, protection de la vie privée. Ces questions, que l’on aurait dû explorer en profondeur, rappellent que l’IA ne se limite pas à des enjeux techniques ou économiques, mais touche directement notre mode de vie et nos libertés fondamentales. C’est à tous, de saisir l’occasion pour transformer ces échanges en actions concrètes. Il faut désormais prendre des décisions claires pour que l’IA serve véritablement l’intérêt général.

Alain de Fooz