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Il est temps de dépasser le bilan carbone !
Les voies vers un numérique responsable sont tracées, encore faut-il les emprunter plus largement ! Le point de vue de Christian De Boeck, Coach & Consultant, SYNERGIT.
° Quid du bilan carbone ? La décarbonation du numérique peut-elle créer de la valeur ?
Christian De Boeck : « Assurément ! Pour cela, il serait temps, de manière globale, de concilier le numérique avec les objectifs de développement durable. Et donc exploiter l’innovation, la mettre au service de la transformation durable tout en contrôlant ses impacts négatifs sous-jacents. La création de valeur suivra naturellement… Malheureusement, je le constate à travers les missions de SYNERGIT, les actionnaires ne l’entendent pas tous de la même façon ; beaucoup se montrent encore frileux. »
° Comprenons-nous bien : il s’agit donc d’aller plus loin que ce que l’on a nommé le Green IT…
« Oui. Et cela en intégrant les principes de l’écoconception aux projets IT, en définissant aussi des indicateurs pour évaluer leur impact environnemental, social et sociétal, et en adaptant, de façon générale, la gouvernance. De la même façon que les équipes IT ont accueilli des coachs agiles, il me parait indispensable d’avoir des coachs de la durabilité afin de guider les équipes sur les bonnes pratiques. C’est précisément ce que nous proposons chez SYNERGIT. »
Bilan carbone, l’étape pour passer à un numérique utile
° Comment, concètement, y parvenir ?
« Par étapes ! Pour beaucoup, il s’agit de reconsidérer les usages. Passer d’un numérique impulsif, parfois obsessionnel, à un numérique raisonné, en créant des services numériques utiles, utilisables… et qui seront utilisés. Ce qui veut dire qu’il faut, pour commencer, identifier tout ce qui est inutile et consomme de l’énergie, mais aussi toutes les fonctionnalités qui altèrent l’expérience utilisateur. C’est une tâche que nous menons à travers nos audits et que nous initions à travers nos programmes de conscientisation tant au niveau des équipes que des C-Levels. »
° N’a-t-on pas tendance à en rester au bilan carbone, certes nécessaire, mais insuffisant ?
« Oui… alors que les pistes pour aller plus loin ne manquent pas. Par exemple en exploitant davantage les nouvelles technologies. Pensons à l’intelligence artificielle pour optimiser l’efficacité énergétique dans les bâtiments et usines, à l’analyse des données pour le pilotage de la décarbonation, aux plateformes numériques pour échanger des données fournisseurs sur l’impact RSE, aux jumeaux numériques pour éco-concevoir les produits… Il serait temps, aussi, d’intégrer la performance environnementale, sociale et éthique au sein du cycle de vie des services numériques, en instituant les bons mécanismes de gouvernance pour briser les silos… Les voies vers un numérique responsable sont tracées, encore faut-il les emprunter plus largement ! »
Une réflexion doit être effectuée en amont des investissements
° Vous parlez d’audit, donc de mesures. Aujourd’hui, mesure-t-on vraiment l’impact du numérique ?
« Les émissions d’une usine ou encore d’une voiture sont (realtivement) facilement calculables alors que les émissions « dématérialisées » liées par exemple au numérique sont la plupart du temps imperceptibles. Par exemple, il est très compliqué de comparer le coût environnemental du stockage de documents sur son ordinateur, dans sa boîte mail ou dans le cloud. Sur ce plan, les informations enregistrées dans les systèmes comptables en place ne permettent que rarement d’extraire des informations relatives aux émissions de CO2. C’est dommage, car ce qui n’est pas mesuré et rapporté ne peut être optimisé ! Au même titre que les rapport financiers aujourd’hui, les rapports de durabilité doivent trouver leur place sur la table des Comex.»
« Pour commencer à établir des scénarios de transformation quant à la réduction des émissions à moyen et long terme, une réflexion doit être effectuée en amont des investissements. Ensuite, le suivi et l’évaluation des résultats permettront d’ajuster en continu les objectifs. »
° Cette réflexion en amont des investissements en suscite une autre : le volet réglementaire. L’évolution viendra-t-elle de la contrainte ?
« Longtemps, on a parlé de ‘compensation’ carbone. Il s’agit de remplacer ce terme par ‘contribution’, qui ne porte pas implicitement l’idée d’une ‘annulation’ des émissions par le biais du financement de projets. Je pense, à ce propos, qu’il faut s’attendre à un durcissement des réglementations. Aujourd’hui, les autorités agitent la carotte, demain ce sera le bâton ! L’Union européenne montre la direction : la durabilité est l’un des six principes formulés par la Commission pour le numériques à l’horizon 2030. »
Impacter toute l’entreprise dans ses moindres process
° Pourquoi ce durcissement réglementaire ?
« Pour réduire les dérives précédentes. Il est donc inéluctable. Par conséquent, les entreprises qui auront réussi à prendre de l’avance auront plus de facilité à s’adapter à des cadres réglementaires plus stricts. Qui plus est, compte tenu de la prise de conscience du plus grand nombre, les entreprises ont aussi intérêt à faire du numérique un pan de leur stratégie RSE plus globale, a minima pour améliorer ou préserver leur image de marque et, au mieux, pour assurer une meilleure cohérence de cette stratégie RSE. »
« Le pourquoi est derrière nous. Plus aucune entreprise ne se demande aujourd’hui si elle doit faire du développement durable, mais comment elle doit le faire. Et comment dépasser le simple bilan carbone. Aussi, ce serait une erreur, je pense, de vouloir isoler la réduction de l’empreinte environnementale du numérique. L’apport de la direction ICT peut être plus important. A savoir fournir aux métiers les bons outils et les bonnes données pour y arriver et, ce faisant, impacter toute l’entreprise dans ses moindres process, jusqu’à repenser son business model. On ne peut plus se contenter d’agir ici ou là. L’entreprise doit décider quels produits et services sont compatibles avec la trajectoire de réduction d’empreinte environnementale qu’elle s’est fixée et en inventer de nouveaux, alignés sur cette trajectoire. C’est bien entendu un sujet qui relève du Comex. C’est également un sujet qui suppose une implication de tous les collaborateurs à tous les niveaux de l’entreprise. »