L’heure est au coworking
Le futur du travail revient à une question : comment attirer et retenir les talents ? Et s’il passait par le coworking ? Une question pour certain, une évidence pour William Willems, Regional General Manager Belgium & Luxembourg, IWG.
° Après des années de résistance, le vénérable bureau statique a entamé lentement mais sûrement sa petite révolution. Smart Office, Desk sharing, Flex Office… les anglicismes ne manquent pas pour qualifier ces bouleversements. Quelle est votre analyse de l’engouement du coworking ?
William Willems : Trois facteurs principaux expliquent l’attrait du coworking. D’abord, la transformation digitale, qui permet aux actifs d’être très autonomes et de pouvoir facilement travailler depuis divers endroits. Nous n’en sommes qu’aux débuts. Dans un an, en 2020, 80% de la population disposera d’un smartphone. En 2025, l’IoT pèsera pour plus de 50% du trafic internet. Songez aussi au potentiel de la 5G… Ensuite, la transformation des habitudes de travail, notamment auprès des jeunes générations qui ont une approche plus perméable de leur vie professionnelle et personnelle. À ce titre, ils sont demandeurs d’espaces de travail agréables, ouverts, animés avec beaucoup de services partant que l’expérience au travail doit être une expérience positive et agréable. Enfin, le besoin de respecter l’environnement… Les nouveaux espaces de travail répondent à cette prise de conscience !
Chez IWG, notre ambition est de fluidifier au maximum l’utilisation des espaces de travail. Nous sommes convaincus qu’il faut utiliser les espaces de travail comme un service et casser le paradigme selon lequel ‘un travail = un lieu de travail’. La question, désormais, est de savoir comment ‘consommer’ les espaces pour travailler efficacement en fonction de l’endroit où l’on se trouve à un instant T.
° Cette transformation n’est-elle pas, principalement, le fait de l’arrivée des millennials ?
S’il existe une génération qui nourrit tous les fantasmes, c’est bien celle des millennials, ces jeunes adultes nés à la fin du siècle dernier. Ce sont les talents de demain que les entreprises cherchent de plus en plus à attirer et à retenir. Dans cette course aux talents, il devient essentiel de comprendre, au-delà des stéréotypes, qui sont véritablement les millennials. Quelles sont, notamment, leurs attentes en matière de conditions de travail ? En découlent alors les questionnements autour de l’immobilier d’entreprise…
Ayant grandi au cœur de la révolution digitale, il est généralement admis que les millennials se sentent à l’aise avec la façon dont les nouvelles technologies font évoluer les frontières entre privé et professionnel. Ceci dit, des études récentes l’attestent, cette génération préfère toujours conserver une démarcation… étanche.
De même, nous percevons souvent les millennials comme des hyperurbains, avides de profiter de chaque opportunité que seuls les centres-villes des grandes métropoles offrent continuellement à ces hyper-connectés. L’image est trompeuse. Rappelons que les millennials sont aussi la génération de la précarité, des difficultés à se loger, à trouver un emploi stable, rémunérateur et épanouissant. Lorsque l’on s’intéresse à leur localisation de travail privilégiée, les millennials se montrent beaucoup plus ouverts qu’attendu…
° Si nous ne travaillons plus physiquement ensemble, comment faire pour garder le lien avec l’équipe et, plus largement, avec l’entreprise ?
Dans un monde de plus en plus nomade, il importe de donner du sens à la venue des équipes dans les locaux de l’entreprise. Ne perdons pas de vue que cette liberté dépend des autres et engage chacun. La clé c’est le collaboratif ! Le digital est en train de remettre en cause les modèles de management, tournés le plus souvent vers une logique de présentiel valorisé par l’open-space où tout le monde est constamment à la disposition les uns des autres. Le NWOW (New Ways of Working) réclame un véritable accompagnement tant du côté des managers, qui doivent appréhender cette mobilité, que des collaborateurs qui doivent gérer cette fameuse frontière entre vie professionnelle et vie personnelle. Autrement dit, nous devons apprendre à travailler ensemble, différemment mais ensemble. Nous ne sommes plus au bureau parce que nous devons faire acte de présence, mais parce que cela fait sens : plus autonomes, nous sommes aussi plus responsabilisés sur nos projets.
° Le coworking serait-il donc disruptif ?
Je le vois davantage comme une évolution. Le coworking résulte de l’essor du digital et de la transformation numérique qui a remis à plat les notions de distances et de frontières tout en se faisant pourvoyeur de nouveaux métiers. Ensuite, l’évolution vers des missions en mode projet, induisant des besoins et une organisation spécifiques de façon ponctuelle. Enfin, le désir croissant de mieux vivre et de diminuer les frictions entre vie professionnelle et vie personnelle. Ainsi, c’est l’essence même du travail qui est à présent questionnée avec une préoccupation majeure en tête : comment remettre le salarié au coeur du processus de création pour, in fine, faire le poids dans la course à l’innovation ?
Qui dit coworking dit collaboration. De là, l’occasion de multiplier les échanges et rencontres entre des personnes qui n’étaient jusqu’ici jamais amenés à se parler, le tout pour faire émerger les idées demain. Les entreprises que cette philosophie a séduites parlent même d’empowerment puisqu’elle confère à chacun un pouvoir d’initiatives, la possibilité d’exprimer ses talents et de se réaliser. Ce n’est donc plus l’humain qui est au service du travail, mais bien le travail qui est au service de l’humain.
Une réponse alternative à l’immobilier classique
Que de chemin parcouru depuis la création de Regus -à Bruxelles- en 1989 ! La multiplication des start-up, de l’auto-entreprenariat et des très petites entreprises a fait croître, voire exploser, la demande des tiers lieux. Et pour cause : les bureaux traditionnels ont des loyers élevés et des baux de location contraignants. L’offre des bureaux alternatifs permet à ces utilisateurs, autrefois contraint de travailler à domicile ou dans des locaux inadaptés, d’accéder sans attente aux bénéfices du coworking et ses multiples services. Telle est, et a toujours été, l’objectif sous-jacent de la stratégie de IWG : créer un réseau d’espaces de travail flexibles, disponibles partout à travers le monde sans supplément de prix.
Aujourd’hui, Regus est une des marques d’IWG. Entretemps, le groupe basé à Luxembourg a acquis d’autres grands ensembles, dont Spaces en 2014 afin de développer le principe de réseau de marques et de formats afin d’étendre sa portée. «Spaces était le pionnier de l’espace communautaire, commente William Willems. Une telle approche nous manquait, l’ambition étant de rendre la consommation de l’espace de travail la plus fluide. Aujourd’hui, 82% de nos clients passent une journée par semaine en dehors de leur centre, d’où cette logique de réseau qui permet de trouver un espace partout dans le monde.»
Avec l’émergence de thématiques comme la qualité de vie au travail et la flexibilité dont le télétravail fait partie, le marché est en grain d’exploser. Et IWG en est le premier acteur mondial. Et le plus dynamique : quelque 1500 centres ouverts au cours des quatre dernières années ! Au total, le réseau compte près de 3 000 centres d’affaires, dans près de 900 villes dans 120 pays. «Nos clients sont aussi bien des start-up et des PME que des grands groupes. Tous viennent pour trouver l’environnement de travail qui leur convient, sachant que celui-ci peut évoluer au fil du temps. Ils viennent aussi pour variabiliser leurs coûts. Les grands groupes, en particulier, ne veulent pas de télétravail à domicile et sont rassurés par des espaces structurés et pensés... Enfin, tous sont conscients que le futur du travail revient à une question : comment attirer et retenir les talents ?»
Dans ce marché hautement compétitif, le maillage territorial est le différenciateur. Dans le réseau d’IWG, chaque travailleur affilié à un centre peut travailler dans un autre, partout dans le monde, gratuitement. De là, l’intérêt des grands groupes et des travailleurs les plus nomades.
Les bureaux touchés par la nouvelle norme IFRS 16
Navires et avions, plates-formes pétrolières et trains, magasins et hôtels… ils ont tous un point commun. Ces dernières années, les entreprises ont racheté ces précieux avoirs grâce à des contrats de location-exploitation dans le cadre d’une importante politique de dépenses qui a permis aux entreprises de mettre la main sur ces actifs, sans avoir à les faire apparaître dans leur bilan comptable. C’en est fini !
La nouvelle norme comptable internationale IFRS 16 change la donne. Les contrats de location vont devoir être déclarés en tant que passifs dans les comptes de l’entreprise et ne pourront plus être cachés.
Les bureaux sont directement concernés. Si l’entreprise -comme la plupart- ne possède pas la majorité de ses espaces de travail, mais les loue à long terme, il s’agira de déclarer ces passifs intégralement, à compter de l’année 2019. Pour les entreprises où l’immobilier d’entreprise est l’une des plus grosses dépenses, cela va créer des remous sur le bilan comptable et, dans certains cas, augmenter considérablement le niveau d’emprunt de la société.
Bref, cela signifie qu’il est temps de réévaluer le portefeuille locatif. Nombreux sont ceux qui pensent que la norme IFRS 16, à l’appellation anodine, sera le catalyseur d’un abandon des baux à long terme et accélérera la tendance des espaces de travail flexibles à court terme, qui ne sont pas couverts par la nouvelle norme.