Mesurer l’empreinte carbone via la blockchain
Calculer son bilan carbone via la blockchain. Voire le monétiser… L’idée fait son chemin. Vincent Manier, de Engie Impact, en explique les avantages.
Mesurer avec transparence les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre), assurer un suivi de ces données et permettre des transactions tout au long de la chaîne de valeur… C’est désormais possible, grâce à la blockchain. Une aubaine quand on sait que définir les facteurs déterminants du calcul de l’empreinte carbone n’est pas une mince affaire, explique Vincent Manier, Chief Financial Officer & Managing Director, Sustainability Solutions-APA, Engie Impact.
«Pour les entreprises, ces facteurs fluctuent aussi bien selon l’impact direct généré par leurs propres opérations, que celui indirect produit par leurs fournisseurs et distributeurs. De plus, anticiper les changements climatiques et identifier les opportunités pour réduire la consommation en ressources ajoutent de la complexité à la tâche… sans oublier l’effet disruptif que pourrait causer la mise en place d’une tarification du carbone.»
Selon la Banque Mondiale, plus de 40 pays, 20 villes et Etats ont adopté une tarification du carbone, à travers une taxe ou via un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES. Aujourd’hui, seules 13 % des émissions annuelles mondiales sont compensées par des mesures de taxation…
La calcul précis de l’empreinte carbone reste complexe, à l’heure où les entreprises cherchent à répondre aux Objectifs de Développement Durable de l’ONU. «Cependant, une technologie émergente et prometteuse pourrait bientôt y remédier : la blockchain. Plateforme de stockage d’informations partagées par un réseau d’ordinateurs, la blockchain fonctionne sans intermédiaire, contrairement à une entreprise qui centraliserait le traitement de chaque transaction, permettant in fine plus d’efficacité, de transparence et de contrôle.»
Considérée comme une opportunité pour renforcer la confiance des consommateurs envers les entreprises, la blockchain se base sur la validation des données et non plus les seules déclarations. C’est une avancée majeure en termes de responsabilité environnementale et de calcul du bilan carbone -pour l’ensemble de la chaîne de valeur. Nombre d’entreprises établissent ce bilan selon leurs propres objectifs alors que la blockchain permet la vérification et la participation de tous les acteurs de la chaine de valeur.
Assurer un suivi exhaustif des émissions de GES
Jusqu’en 2011, les entreprises considéraient principalement les mesures d’émissions uniquement issues de leurs opérations et de leur consommation d’énergie. Cependant, ces relevés ne permettaient pas d’obtenir un bilan carbone exhaustif. En effet, l’empreinte générée par les biens et services nécessite d’être traitée au même égard que les émissions dues aux opérations de l’entreprise. Également appelées sources Scope 3, elles représentent la majorité des émissions de GES totales d’une entreprise.
A cet effet, le protocole international de calcul du bilan carbone de 2011 considère l’ensemble des émissions de la chaîne de valeur. S’il a permis des avancées significatives sur la précision des mesures, les entreprises rencontrent encore des difficultés pour évaluer l’impact de chaque acteur de la chaîne et identifier les sources de réduction des émissions.
«De l’inventaire de l’entrepôt jusqu’à la validation du paiement des clients, la structure de la blockchain permet d’assurer un suivi rigoureux des données, assure Vincent Manier. Chez Starbucks, elle garantit la traçabilité du café et établit un lien direct entre consommateurs et producteurs. Pour le géant minier BHP Billiton, l’intégration de la blockchain permet de récolter et de partager des données avec ses vendeurs tout au long du processus d’extraction.»
Améliorer la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement et la visibilité de la chaîne de valeur
Mesurer avec transparence les émissions de GES, assurer un suivi de ces données et permettre des transactions tout au long de la chaîne de valeur : tout cela est rendu possible par la blockchain.
«L’une des applications les plus prometteuses est la délivrance de certificats verts, poursuit Vincent Manier. Ces certificats fournissent des détails sur chaque MégaWatt-heure (MWh) d’énergie renouvelable : à savoir comment, où, quand et par qui ce MWh a été produit. Ils peuvent également être échangés, achetés ou vendus. Selon GTM Research, le négoce de ces certificats serait le premier exemple d’utilisation des flux de revenus par la blockchain, grâce à un système de validation qui éliminerait les erreurs liées au double comptage des données.»
La blockchain permet également de monétiser le bilan carbone des entreprises, à l’image d’IBM et Energy Blockchain Lab qui collaborent sur une plateforme d’échange de crédits carbone en Chine. Ainsi, la blockchain améliore la précision des bilans carbone en standardisant la collecte de données pertinentes et en garantissant que toutes les transactions de valeurs soient validées et traitées automatiquement.
Impliquer davantage les consommateurs
Les achats quotidiens des consommateurs ont un impact direct sur les émissions de GES, néanmoins il est encore difficile de connaître leur empreinte réelle. Toutefois, l’exigence croissante de transparence amène les entreprises à s’engager à fournir ces informations aux consommateurs. Plus de trois quarts (77 %) des 25-40 ans seraient prêts à adopter des pratiques de consommation davantage respectueuses de l’environnement et socialement équitables.
«Favoriser la mise en place d’infrastructures décentralisées construites autour de la blockchain génère de la valeur ajoutée pour le secteur de l’énergie et permet d’établir un lien direct entre entreprises et consommateurs, conclut Vincent Manier. A l’avenir, la blockchain permettra d’assurer un suivi rigoureux et transparent des transactions quasiment en temps réel. C’est pourquoi il est crucial pour les entreprises de se préparer au mouvement disruptif initié par la blockchain, mais également de valoriser l’impact de cette technologie sur les pratiques en matière de durabilité et de réduction des émissions de GES.»
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