Le communiqué officiel parle de fusion. Certes. Mais il ne s’agira pas d’une fusion entre égaux. C’est le groupe finlandais Nokia qui va lancer une offre d’échange de ses actions sur Alcatel-Lucent, l’ex numéro un mondial de l’équipement télécom.
La rumeur courait depuis un certain temps. Ce mardi 14 avril, on est passé du statut de rumeur à celui d’information. Nokia, l’ex-star de la téléphonie mobile recentré sur le seul métier d’équipementier télécom, va avaler son concurrent fronco-américain. Les marchés financiers ont immédiatement ajusté le cours d’Alcatel Lucent, en le faisant grimper dans la matinée de 14%, à 4,4 EUR. A ce niveau, le groupe est valorisé 12,4 milliards EUR. En face : Nokia. Même s’il réalise exactement le même chiffre d’affaires, le finlandais vaut deux fois plus cher en Bourse, à 26,8 milliards EUR !
Le couple Alcatel-Lucent sauve sa peau
Mariés en 2006, le français et l’américain n’ont jamais su se comprendre. Un océan culturel les séparait. Le groupe n’a cessé de perdre de l’argent, brûlant tout son cash. Six ans plus tard, il frôle la banqueroute. Le Alcatel-Lucent est alors obligé de gager ses brevets pour obtenir un prêt de 2 milliards EUR…
Juin 2013, le plan Shift est lancé. Celui de la dernière chance. Première mesure : renégocier immédiatement la dette, puis la réduire de 2 milliards EUR en deux ans; réduire les coûts de fonctionnement de 1 milliard EUR et céder pour 1 milliard EUR d’actifs non stratégiques. Dans le même temps, Alcatel-Lucent décide de se recentrer sur deux métiers : le premier basé sur les cœurs de réseaux Internet; le deuxième centré sur les marchés matures.
Premiers résultats dès 2014. A la fin de l’année dernière, Alcatel-Lucent renoue avec les bénéfices et, surtout, parvient -pour la première fois depuis sept ans- à dégager du cash flow positif au dernier trimestre. Nokia n’est pas loin. Le finlandais observe. Le moment est propice pour sortir du bois. En effet, assaini, le franco-américain est plus facilement absorbable… et pas encore trop cher en Bourse !
L’ambition de Nokia est de créer un nouvel ensemble pesant 26 milliards EUR -les deux groupes réalisant chacun près de 13 milliards EUR de chiffre d’affaires- très présent dans le cœur des réseaux fixes et dans les dernières technologies de réseaux mobiles. En face, les chinois Huawei ou ZTE, qui ambitionnent de devenir numéro un mondial du secteur. Ils ont tout pour gagner leur pari : l’immensité de leur marché intérieur et les investissements considérables consentis dans les technologies les plus en pointes.
Nokia tourne une nouvelle page
Tout commence en 1865 avec un moulin à papier. Ensuite, l’énergie. En 1998, le finlandais s’impose comme le leader du marché du GSM et donc de la mobilité. Tout va pour le mieux jusqu’en 2007 quand Apple présente son iPhone… Nokia n’y croit pas. Et se trompe lourdement.
Il faut sauver Nokia. Ce sera via un double mouvement stratégique. Début 2013, Nokia rachète les parts de Siemens dans leur coentreprise, l’équipementier télécoms NSN. Puis, en septembre 2013, Nokia cède sa division Devices & Services Solutions à Microsoft. On crie au fou ! Pour beaucoup, c’est le début de la fin.
Il n’en est rien. Nokia est aujourd’hui un des leaders mondiaux des infrastructures télécoms, avec un accent très net mis sur les réseaux mobiles. Et rebondit avec Alactel-Lucent.