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Pass sanitaire… Liberticide jusqu’où ?
Pour avoir oublié l’impermanence de notre existence, nous laissons l’idéologie du « panmédicalisme » dicter nos vies. Liberticide jusqu’où ?
« Rien n’est plus durable qu’un programme gouvernemental temporaire !» La maxime de l’économiste Milton Friedman est connue. La revoici à jour, dans sa forme liberticide. Certains historiens de l’économie ont en effet documenté le fait que les crises (guerres, catastrophes naturelles, etc.) étaient marquées par une extension importante des fonctions du gouvernement et le foisonnement de programmes temporaires… appelés à perdurer une fois la crise passée. C’est ce que démontre le think tank GénérationLibre à travers son étude « La proportionnalité du pass sanitaire en question – Arguments philosophiques, juridiques et sanitaires » signée par Kevin Brookes, Nicolas Gardères, Henri Leleu et Christophe Seltzer.
L’idée ? Le rôle de l’État doit se cantonner à une action minimale : informer les populations, faire oeuvre de transparence sur les processus de découvertes, par tâtonnement, de la science, ainsi que -aujourd’hui- fournir un vaccin ou des remèdes gratuits, efficaces et accessibles. « Aussi choquant que cela paraisse, soutiennent d’emblée les auteurs, il s’agit d’accepter une certaine perte de contrôle, non pas sur l’épidémie, mais sur les comportements individuels. » Pour eux, il s’agit de « faire le pari culturel de laisser la population se prendre en main…»
Outil technologique inédit
Pass sanitaire, Covid Safe Ticket… Qu’importe les appellations, le fond reste liberticide. Via son Observatoire des Libertés Confinées qui surveille plus de 50 restrictions de libertés depuis le début de la pandémie et dans la continuité de son analyse coûts-bénéfices des premiers confinements, GenerationLibre se penche sur la proportionnalité du passe sanitaire, outil technologique inédit dans l’histoire qui nous interroge dans le choix politique à réaliser entre l’utilitarisme disciplinaire et la tradition libérale qui assume une part de risque comme inhérent à la liberté.
« La société de contrôle dans laquelle le pass sanitaire nous fait basculer constitue une atteinte à la liberté individuelle qui peut devenir irréversible aussi rapidement qu’imperceptiblement. Au plan juridique, la décision de l’étendre constitue une double atteinte à l’Etat de droit par la procédure encadrant sa mise en œuvre et par l’impossibilité de démontrer la proportionnalité de restrictions de libertés pourtant conséquentes. »
À partir du moment où chaque citoyen a la possibilité de se protéger contre la majorité des formes graves et des hospitalisations dues à la COVID-19, qu’un seuil suffisant de la population a été vacciné, l’État a accompli sa mission. Le reste relève du choix individuel, défend Génération Libre.
Une intrusion de l’Etat sans précédent
Chaque individu a un rapport différent au risque. Or, cette prédisposition individuelle est remise en cause par le gouvernement qui choisit à sa place avec un outil de contrôle. Il faudrait, quoi qu’il en coûte, limiter les risques pour l’ensemble de la population. « On pourrait très bien imaginer que l’arbitrage entre la santé parfaite et la liberté effective du quotidien se fasse au niveau de l’individu, de la famille ou de la communauté. » Une remarque qui fait réfléchir à la veille des fêtes…
L’introduction et l’extension du pass sanitaire constituent une intrusion de l’État sans précédent dans notre vie. Il vient changer le rapport entre l’individu et l’État. C’est un nouvel avatar du biopouvoir, décrit par Michel Foucault, qui consiste non plus seulement à contrôler la société, mais à contrôler étroitement les corps. On retrouve ici la conception théologique du pouvoir pastoral : celle d’un berger en charge, par une étroite surveillance des conduites, de s’assurer que les membres du troupeau ne s’égarent pas et ne se blessent pas. Une dépendance intégrale s’institue imposant d’obéir à l’individu producteur d’une « vérité cachée » plutôt qu’à des lois.
« Nous sommes revenus à une forme de ‘société disciplinaire’ analogue à celle qui existait pour gérer les pandémies de peste au XVIIe siècle », observe Génération Libre. On discipline et gère les corps en introduisant des instruments toujours plus élaborés. « L’enregistrement du pathologique doit être constant et centralisé. Le rapport de chacun à sa maladie et à sa mort passe par les instances du pouvoir, l’enregistrement qu’elles en font, les décisions qu’elles prennent. »
Quand l’individu devient son propre geôlier
Cette conception du pouvoir est une régression historique sur le plan du rapport des individus à l’État. « Finis la démocratie libérale et le règne de la souveraineté de l’individu obéissant à des règles générales impersonnelles. Bienvenue dans une société dans laquelle l’individu est son propre geôlier, dans laquelle aussi il accepte de sacrifier sa dignité de citoyen sur l’autel du principe d’utilité ». Le pouvoir central est renforcé, les individus suspendus aux annonces gouvernementales et à leur QR code pour mener leur vie. En même temps, des micro-pouvoirs se développent dans la société. On demande un contrôle généralisé de tous sur tout le monde, du patron de café au directeur d’école, en passant par le restaurateur. La division entre les fonctions de l’État d’un côté et celles de la société civile de l’autre s’estompent.
L’introduction du pass sanitaire trace un sentier vers une société dystopique. La seule existence du pass nous aurait paru inconcevable avant 2020. C’est le renforcement du contrôle d’identité dans l’espace public qui devient criblé de sas qu’il faut sans cesse franchir. Et donc, par conséquent, la fin de l’anonymat dans l’espace public. Comme en Asie, avec le modèle utilitariste asiatique qui fait la part belle aux nouvelles technologies des data – IA, reconnaissance artificielle, puçage numérique via les smartphones.
Liberticide… par peur de mourir…
Que se passera-t-il pour tous les outils mis en place autour du passe sanitaire une fois la pandémie passée (logiciels, matériel, personnels, sociétés) ? On peut imaginer que, demain, le pass devienne également judiciaire, fiscal, écologique, qu’il traque notre localisation. « Certes, ce ne sont là que des suppositions. Mais une fois la boîte de pandore ouverte, qui peut prédire ce qu’il en ressortira ? Que faire de l’application une fois la pandémie passée ? La remiser au placard ? Certainement pas : il lui faudra lui trouver une utilité. Dans son Histoire de la folie, Michel Foucault cite l’exemple représentatif des léproseries, dont l’usage a perduré bien au-delà des épidémies de la maladie. Aussi, il suffirait par exemple qu’un drame individuel soit porté à l’attention du plus grand nombre pour que, sous le coup de l’émotion, nous nous sentions obligés d’instaurer l’outil sous sa forme ou une autre. »
Nous en sommes là. Nous avons laissé l’idéologie du « panmédicalisme » dicter notre vie car nous avons oublié l’impermanence de notre existence. Par peur de mourir d’une maladie dont la médiane de l’âge des décès dépasse l’espérance de vie qui nous est promise, nous avons sacrifié la qualité de nos vies. Répondant à nos demandes sécuritaires, le gouvernement a perdu de vue les principes qu’il devait défendre : notre État de droit, condition des droits fondamentaux.
Alain de Fooz