Réseaux sociaux : jusqu’où les messages indélicats ?
Quid des messages postés par un travailleur sur les réseaux sociaux à propos de son employeur ou de ses collègues ? L’avis de Partena Professional.
Des messages indélicats sur les réseaux sociaux peuvent-il justifier le licenciement d’un travailleur pour motif grave ? Poser la question c’est opposer la liberté d’expression du travailleur versus les intérêts de l’employeur, estime Partena Professional. La loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail octroie des droits mais également des obligations tant à l’employeur qu’au travailleur, précise le prestataire. Ainsi, l’employeur et le travailleur se doivent le respect et des égards mutuels. Ils doivent aussi observer le respect des convenances et des bonnes mœurs. Cela signifie, entre autres, que le travailleur est tenu à un devoir de loyauté envers l’employeur.
La convention européenne des droits de l’homme garantit, pour sa part, le droit à la liberté d’expression. Dans le cadre des relations de travail, il faut également respecter les dispositions de la convention collective de travail n° 81 ainsi que celles en matière de traitement des données à caractère personnel (GDPR) pour réunir, au maximum, les intérêts de l’employeur et le droit, du travailleur, à la protection de sa vie privée.
En d’autres termes, les droits à la liberté d’expression et au respect de la vie privée ne sont pas absolus. Une ingérence peut être envisagée mais elle doit être réduite au minimum. L’employeur a, par conséquent, la possibilité de réglementer, sous certaines conditions, l’utilisation des réseaux sociaux au travail. Si un travailleur mécontent a le droit de s’exprimer, il doit cependant surveiller ses propos et le langage utilisé.
Mais comment délimiter la frontière entre l’expression d’un mécontentement et des messages pouvant être qualifiés d’injurieux ou de diffamatoires à l’égard de l’employeur et/ou de collègues ? La cohabitation entre, d’une part, la liberté d’expression et la protection de la vie privée au travail et, d’autre part, le droit de contrôle de l’employeur se révèle bien délicate…
Droit fondamental versus proportionnalité
Le lieu de travail est un lieu où s’établissent de nombreuses relations et communications privées dans la mesure où le travailleur y passe la plus grande partie de son temps. Cet «espace personnel» représente un droit fondamental pour le travailleur sur le lieu de travail, indique Partena Professional. Il est donc généralement admis qu’une interdiction totale d’utiliser Internet à des fins privées sur le lieu de travail ne serait pas raisonnable. Les communications privées de même que l’utilisation de médias sociaux par le travailleur sur le lieu de travail sont, dans la plupart des cas, tolérées par l’employeur.
Lorsque l’employeur souhaite contrôler l’utilisation, au travail mais à des fins privées, d’Internet (ou de l’e-mail) par le travailleur, il doit respecter les principes de base en matière de protection de la vie privée, c’est-à-dire poursuivre un but légitime, contrôler les données pertinentes et informer préalablement le travailleur de la possibilité d’un contrôle.
Quand l’utilisation de Facebook peut mener au motif grave
Le licenciement pour motif grave d’un travailleur à la suite de critiques offensantes ou calomnieuses à l’égard de l’entreprise et/ou d’un membre du personnel publiées sur Facebook (ou sur un réseau similaire) peut soulever deux questions : l’une relative à l’appréciation du motif grave lui-même, l’autre relative à l’admissibilité de la preuve apportée par l’employeur pour justifier sa décision de licenciement. Selon la loi sur les contrats de travail, le motif grave est «toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur».
Si la critique envers l’employeur et/ou les collègues est admise, elle doit s’exprimer de manière raisonnable, pondérée et non violente. A défaut, elle pourrait être constitutive d’un motif grave.
Plusieurs décisions de jurisprudence ont, en outre, admis que les critiques excessives émises par un travailleur via des commentaires postés dans la partie publique de Facebook pouvaient constituer une faute justifiant son licenciement pour motif grave. Soulignons, à ce propos, que le compte Facebook est généralement considéré comme un site public et ce, quelles que soient les options du compte.
Les informations postées par un travailleur sur la partie publique ne sont pas protégées par le droit au respect de la vie privée car tout internaute y a accès. Celles accessibles aux seuls «amis» du travailleur sont considérées comme publiques lorsque le nombre d’ «amis» est important ou lorsque certains d’entre eux font partie du personnel de l’entreprise. Quant aux informations dont l’accès est ouvert «aux amis des amis» du travailleur, elles perdent aussi leur caractère privé.
Les informations postées sur Facebook par un travailleur pourraient, par conséquent, être utilisées comme preuve lors de l’appréciation d’un motif grave. En cas de contestation, ce sera au juge d’apprécier les circonstances dont, notamment, le contexte de l’exercice du droit de critique, la formulation utilisée, la fonction exercée par le travailleur, le degré de publicité du message, l’absence (ou non) d’intention de nuire dans le chef du travailleur.
Mieux vaut prévenir que guérir
Établir une «social media policy» peut vous aider à contrôler l’utilisation d’Internet et de l’e-mail par le travailleur et éviter, de la sorte, tout litige ultérieur, conseille vivement Partena Professional.
Cette policy précisera notamment les conditions d’utilisation de ces outils dans le cadre des relations de travail ainsi que les droits et devoirs de chacune des parties (par exemple, l’interdiction de tout dénigrement de l’employeur et des membres du personnel sur les réseaux sociaux). Veillez également à en informer les représentants du personnel et à remettre un exemplaire de cette policy à chacun de vos travailleurs.