Salvatore Curaba, le leadership de l’amour
Amour. S’il ne devait rester qu’un mot de son manifeste managérial, c’est bien celui-là. Salvatore Curaba, CEO de EASI, explique comment progresser dans l’amour.
«Pour les vingt ans de EASI, en 2019, c’est-à-dire demain, je n’aurai plus la majorité absolue, écrit Salvatore Curaba. Je suis le cofondateur encore actif et j’aurai bientôt moins de 50% des parts, par volonté personnelle. Et je n’ai pas peur avec ça. Au contraire, ça me rend heureux et fier. Un vrai leader ne forme pas des suiveurs. Il s’entoure de leaders, recrute des collaborateurs meilleurs que lui. Un vrai leader doit avoir le courage de faire un pas de côté au moment opportun…»
Ainsi parle Salvatore Curaba. Dans son livre «On m’a pris pour un fou», le jeune quinquagénaire bien connu dans le secteur IT se reconnait parfaitement dans le titre. Un fou, donc, quand jeune footballeur talentueux, il refuse de passer professionnel après 70 matchs joués en D1. Un fou quand, dix ans plus tard, il décide fonder EASI (+ 35 millions EUR de chiffre d’affaires; 200 collaborateurs aujourd’hui, dont 53 employés actionnaires). Un fou, aujourd’hui, quand il parle d’amour dans le monde de l’entreprise. «Je préfère passer pour un fou et vivre dans le respect de mes valeurs et la cohérence de mes idées», lâche-t-il.
CIO, Chief Inspiration Officer
«On m’a pris pour un fou» est à la fois un manifeste managérial et une biographie. La seconde est au service du premier. Salvatore Curaba y expose les 15 éléments qui constituent le socle sur lequel repose le succès d’EASI, à savoir cinq piliers du succès et de la performance : valeurs humaines, organisation, effort, partage, bonheur; cinq valeurs humaines : respect, positivité, égalité, sens des responsabilités, loyauté; cinq ingrédients du bonheur : reconnaissance, liberté, transparence, mission et amour.
Amour, oui. Salvatore Curaba prône le «leadership de l’amour» : c’est dans l’amour qu’on progresse, pas dans la peur, assène-t-il. Et d’ajouter aussitôt que le vrai amour c’est donner, donner et ne rien attendre en retour. «Je n’ai plus de travail opérationnel chez EASI, et pourtant j’y suis physiquement presque chaque jour. Pour donner de l’amour ! Distribuer de la confiance, offrir une écoute, donner un avis quand on me le demande. Je suis toujours CEO, mais dans un rôle non conventionnel. Un jeune entrepreneur de La Louvière m’a gratifié du titre de CIO -Chief Inspiration Officer !»
Aimer, oui. Mais sans les papillons. De la même façon que, dans les meutes de loup, il y a parfois un bouc émissaire, surtout en captivité, dans toute société il y a des maillons faibles. «Chez EASI, nous avons appelé cette faiblesse le point rouge. Il serait illusoire qu’un groupe puisse arriver à un degré d’équilibre où tout le monde serait efficace. Et si une personne, par son manque de rentabilité, devient un obstacle durable au progrès de l’entreprise, le leader ne doit avoir aucun scrupule à s’en séparer. La santé du groupe en dépend.»
Bref, l’amour ne signifie pas la mollesse, l’absence de limites et le laxisme. Au contraire, ce sont des bras ouverts pour encourager, donner l’impulsion du départ, embrasser ou consoler. C’est tout à la fois la dureté des muscles du père et la rondeur douce de la mère.
Aimer… et ne rien laisser passer
L’amour n’a rien à voir avec l’absence de frustrations. «On peut contraindre l’autre par amour. On peut mettre de la pression si nécessaire. On ne devrait jamais se laisser aller, s’installer. C’est pour ça que je suis vigilant, je ne laisse rien passer. Demander, voire exiger, le meilleur de soi à quelqu’un, c’est lui apporter la plus grande preuve de l’amour qu’on lui porte. Un vrai leader pressent toujours les qualités en germe chez quelqu’un et il en exige la réalisation.»
A l’inverse, l’absence d’amour peut tuer les meilleurs. «Je suis convaincu qu’un être, aussi doué soit-il, qui ne rencontre pas les circonstances favorables de l’amour aura les ailes coupées et ne volera pas à la hauteur de ses capacités. Dans ce sens, nous avons tous une responsabilité énorme, à chaque rencontre, celle de reconnaître en l’autre le besoin d’être aimé et de lui donner cet amour sans retenue.»
Concluant le sujet sur l’amour, sans doute le plus prégnant de ce livre, Salvatore Curaba mesure l’importance que l’amour a revêtu dans sa vie, la chance qu’il a eu et, plus encore, «la bonne idée que j’ai eue d’aimer tant de gens !»
Alain de Fooz