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Souveraineté, la veut-on vraiment ?
Alors que le GAIA-X Summit s’achève, les questions fondamentales persistent. C’est qu’il n’y a pas de définition de la souveraineté numérique.
Souveraineté, vraiment ? Était-ce une bonne idée d’inviter des acteurs chinois et américains à sponsoriser le GAIA-X Summit de ces 18 et 19 novembre ? La question fait vaciller son conseil d’administration. Quid, en effet, du rôle d’acteurs non-européens dans cette initiative ? Scaleway, membre fondateur de l’association, a profité de l’événement pour claquer la porte. Qui suivra ?
« Scaleway ne renouvellera pas son adhésion à GAIA-X. Les objectifs de l’association, quoique louables au départ, sont de plus en plus détournés et contrariés par un paradoxe de polarisation ayant pour conséquence de renforcer le statu quo, c’est-à-dire une concurrence déséquilibrée », commente Yann Lechelle, CEO, Scaleway. Et quand bien même ces acteurs non-européens ne figurent pas au conseil d’administration, leurs intérêts sont, à tout le moins, représentés. Bref, GAIA-X s’écarte de son objectif premier.
Porté à l’origine par les gouvernements allemands et français, GAIA-X intéresse déjà moins les politiques, estime encore le patron de Scaleway. Peut-on parler de cloud européen quand le moteur de celui-ci n’est pas européen ?
Il ne s’agit pas de flinguer GAIA-X
Dans ce sens, Scaleway se sent plus proche d’Euclidia (European Cloud Industrial Alliance), dont l’objectif est de « rectifier la perception des gouvernements et des grands donneurs d’ordres en Europe quant à la réalité de l’offre européenne en matière de cloud computin. »
Il ne s’agit pas de flinguer GAIA-X, en retard dans ses projets, mais surtout tiraillée entre les bonnes intentions et les réalités économiques, entre les manœuvres stratégiques des uns et les envies de pouvoir des autres.
Sur le papier, l’idée d’un métacloud européen offrant un socle de services commun afin d’assurer la promesse de réversibilité et d’interopérabilité avait de quoi séduire. Qu’en est-il un an plus tard ? Pilier du projet, la France préfère aujourd’hui jouer la carte de son «cloud de confiance» et de la certification SecNumCloud. Et, par la même occasion, soutenir des initiatives purement nationales, qu’elle poussera d’ailleurs au cours de sa présidence de l’Union européenne à partir de janvier prochain.
Cet équilibre précaire
Le pavillon souverainiste n’attire plus. Ainsi, OVHcloud -l’un des moteurs de l’initiative au tout début- vient de publier le code source de son cloud à commencer par les briques IAM, KMS, les API de catalogue de services, puis ultérieurement la plateforme PaaS. Objectif : faciliter les interopérabilités. Bien. Sauf qu’au final cela se fait hors du cadre GAIA-X…
Autre exemple, Nua.ge, le projet de cloud de la poste française, révélateur, lui aussi, des limites de la souveraineté européenne. Ses fournisseurs ? Gigabyte pour ses serveurs 2U4N haute densité pour optimiser la consommation énergétique (512 cœurs par serveur), AMD pour ses processeurs EPYC ultra haute densité, Juniper pour le réseau EVPN-VXLAN flexible et hyper-extensible, NVIDIA (ex-Mellanox) pour les cartes réseau intelligentes 100 Gigabit capables de virtualiser le réseau sans consommer de ressources serveur, Micron pour le stockage NVMe haute densité et performance et 2CRSI pour l’assemblage et le contrôle qualitéNua.ge a fait le choix de développer sa propre API pour en fournir une qui répond à l’exigence de simplicité des utilisateurs. Nua.ge assure son propre support et effectue ses propres développements sur la base des composants Open Source d’OpenStack, modifiables au besoin, sans passer par un distributeur.
C’est qu’il n’y a pas de définition de la souveraineté numérique. Les pays ont des interprétations diverses de celle-ci. La Chine, par exemple, a créé un écosystème internet distinct, sur lequel l’État maintient un degré de contrôle sans précédent. Les États-Unis, d’autre part, sont un fervent partisan de l’internet ouvert et du modèle multipartite de gouvernance d’internet. Entre ces deux pôles, de nombreux pays cherchent un équilibre dans un Internet international qui serait interopérable et sous la houlette d’un cadre réglementaire national.
Du concret, c’est urgent
Il ne s’agit donc pas de «casser» GAIA-X, qui reste un beau projet. Et qui continue, aussi, d’avoir ses indéfectibles soutiens. Mais l’initiative va rapidement devoir arriver à des résultats tangibles pour survivre. Plus encore, à définir précisément son cadre d’action et, par là, le sens qu’il entend donner au mot souveraineté.
Alain de Fooz