Taxe GAFA ? Un choix contre-productif !
Pourquoi une taxe GAFA, alors que les géants du web sont en réalité imposés à hauteur de 24% de leurs bénéfices en Europe, s’étonne l’Institut Economique Molinari.
Depuis 2017, ici et là des voix s’élèvent pour mettre en place une taxe GAFA censée corriger une «injustice» fiscale. Si l’on se fie à certaines déclarations politiques, les grands acteurs américains du digital bénéficieraient d’une fiscalité particulièrement avantageuse. Ils supporteraient 14 points de fiscalité en moins que les entreprises traditionnelles européennes…
Vrai ? Faux ? Chiffres à l’appui, l’Institut Economique Molinari, un think tank fondé en 2003 basé à Paris, Bruxelles et Montréal, part en guerre contre certaines idées reçues. A l’entendre, une taxe GAFA serait contre-productive. Les GAFA, démontre-t-il, se sont acquittés de 24% d’imposition sur leurs bénéfices mondiaux durant les cinq et dix dernières années. Soit un niveau de fiscalité légèrement supérieur à la moyenne constatée dans l’OCDE.
Les calculs de l’Institut Economique Molinari montrent que les GAFA ont aussi une fiscalité cohérente avec les entreprises de la zone euro. Au cours des cinq dernières années, en effet, et sur base des indices Euro Stoxx 50 et Stoxx Europe 50, les GAFA ont eu 1 point de fiscalité en plus que ces entreprises européennes; sur les dix dernières années, ils ont supporté 2 points de moins de fiscalité.
Distorsions entre acteurs
Pour l’institut économique Molinari, une taxe GAFA -reposant sur un présupposé non étayé- conduira à introduire un nouvel impôt sur le chiffre d’affaires augmentant, une fois de plus, ce qu’on appelle les autres impôts de production.
L’analyse économique montre que cette mesure introduirait des distorsions entre acteurs. La taxe sur le chiffre d’affaires, calculée en amont des bénéfices, défavorisera particulièrement les activités à taux de marges faibles. Cela réduit mécaniquement les bénéfices liés aux activités ayant des marges inférieures ou égales à 3%. Parmi les GAFA, Amazon serait particulièrement touché. Son taux de marge moyen monde était de 2,6 % sur les 10 dernières années. Ce résultat n’est pas une anomalie liée à cet acteur et à son business model. Si une taxe équivalente était appliquée sur l’activité mondiale des grandes entreprises Euro ou Europe, 20% d’entre-elles verraient leur résultat avant impôt sur les sociétés amputé de 50 % ou plus…
La théorie de l’incidence fiscale montre aussi que la taxe risque de retomber in fine, au-delà des entreprises directement visées, sur les personnes physiques. Ce sont les consommateurs, les salariés ou les actionnaires des entreprises visés par la taxe ou travaillant avec ces entreprises ou leurs partenaires qui en feront les frais. Aussi, en bonne logique, une étude préalable d’impact économique approfondie serait souhaitable, à rebours des déclarations gouvernementales éludant la question fondamentale de l’incidence fiscale.
Une taxe qui, finalement, favoriserait… les Américains !
Cette taxe serait de nature à se disséminer dans l’économie européenne en créant des distorsions. Les gros acteurs américains, ayant pris de l’avance, devraient être à même de reporter son coût économique sur d’autres acteurs, consommateurs ou partenaires commerciaux. Pour résumer, ce seraient les acteurs numériques européens qui seraient touchés -les Blablacar, Criteo, SoLocal et autre Spotify pour ne citer qu’eux… N’ayant pas tous atteint la taille critique, ils risqueraient d’être moins à même de reporter l’incidence de la taxe sur d’autres acteurs. A l’opposé du discours insistant sur l’importance de l’émergence d’un numérique européen, la taxe GAFA pourrait complexifier la donne pour les européens et favoriser indirectement les grands groupes américains en place. Elle contribuerait à renforcer la concentration et la dépendance vis à-vis d’entreprises étrangères, dans un domaine en plein essor.
Enfin, cette éventuelle taxe GAFA est aussi porteuse de risques pour les acteurs traditionnels ayant besoin de faire une mutation numérique pour garder un contact direct avec leurs clients. La frontière entre ancienne et nouvelle économie s’estompe avec la montée en puissance du digital dans tous les domaines. Les entreprises «traditionnelles» ont intérêt à se transformer en «plateformes». Dans ce contexte, taxer pourrait freiner leur capacité à rattraper les pure-players ayant déjà pris une avance significative…
Contrairement à l’approche poussée par l’OCDE, estime encore l’Institut économique Molinari, cette taxe ferait peser une hypothèque sur le développement d’acteurs digitaux européens, risquerait d’affaiblir la concurrence et, in fine, de pénaliser l’économie et les consommateurs européens.