Tesla ou Ford ? Voiture ou service de mobilité ?

Ford vivrait-il ses derniers beaux jours ? Tombera-t-il dans l’oubli face à l’offensive d’Elon Musk ? Pas sûr. Le plus emblématique constructeur américain fait sa révolution digitale.

Lundi 3 avril, la valeur de Tesla à la Bourse de New York a dépassé celle de Ford. Certains diront qu’il s’agit d’une énième bulle spéculative, d’autres évoqueront une étape symbolique qui illustre la métamorphose en cours de l’industrie automobile…

Avec une capitalisation de 48,68 milliards USD, le constructeur de voitures électriques créé il y a seulement treize ans par Elon Musk est désormais la deuxième capitalisation boursière du secteur automobile américain devant Ford évalué à 45,55 milliards; General Motors, qui pèse 50,96 milliards, est désormais en ligne de mire…

Au regard des fondamentaux de chacun des deux constructeurs, la performance a de quoi étonner. Tesla n’a vendu que 76 000 voitures en 2016 contre plus de six millions pour Ford. Le premier réalise un chiffre d’affaires vingt fois moins important que le second. Enfin, tandis que la firme d’Elon Musk n’a jamais gagné un seul dollar jusqu’à présent, Ford, société créée en 1903, a engrangé plus de 10 milliards de profits en 2016…

Dans le même temps, les ventes de Ford baissent, alors que celles de Tesla ne font que croître. Pour empêcher le recul de leurs ventes, Ford et la plupart des constructeurs concèdent de généreuses ristournes – 3 750 USD en moyenne, soit 10,3 % du prix moyen d’un véhicule, selon le cabinet J.D.Power. Il s’agit là du niveau le plus élevé depuis 2009, alors que le secteur était en pleine crise.

Ford vivrait-il ses derniers beaux jours ? Tombera-t-il dans l’oubli face à l’offensive d’Elon Musk ? Pas sûr. Le plus emblématique constructeur américain fait sa révolution digitale. Et s’apprête à surprendre. Via sa filiale Smart Mobility, il ne se mêle plus seulement de voiture. Il entend devenir un acteur majeur de la mobilité en milieu urbain. Un prestataire de services de mobilité, en somme. Voici peu, Ford a mis la main sur Chariot, une start-up.

Fondée en 2014 par Ali Vahabzadeh, Chariot propose un système de navette de 14 places opérant sur un des 25 trajets que propose l’opérateur dans les environs de San Francisco. L’utilisateur peut accéder au service, réserver une place et trouver un arrêt grâce à une appli pour smartphone. L’entreprise fonctionne par socio-financement : dès qu’un nombre d’utilisateur est suffisant pour ouvrir une ligne, Chariot leur demande de la financer en achetant les premiers billets.

Pour développer des offres adaptées, Ford Smart Mobility étudie les desiderata de clients d’un nouveau genre pour le constructeur : les villes. Est-ce là l’avenir de Ford ?

Ford Smart Mobility a également investi dans Motivate, le spécialiste du vélo en libre-service dont les bicyclettes sont déjà installées dans douze villes, dont San Francisco. Dans la métropole californienne, les deux partenaires vont étendre le service et le rebaptiser FordGoBike. D’ici fin 2018, 7 000 cycles seront disponibles dans la région de la baie contre 700 aujourd’hui…

Si Tesla attire, Ford n’a pas dit son dernier mot. Il y a plus d’un siècle, Henry Ford rendait l’automobile accessible pour tous avec sa Ford T et un processus de fabrication qui a façonné l’industrie automobile moderne. Avec 1 million d’unités produites par an, la Ford T symbolisa l’ Amérique sur quatre roues -un véhicule pour chacun. Demain, il en ira autrement. Le concept du véhicule individuel de masse est progressivement remis en question et de nouveaux acteurs viennent secouer une industrie automobile il y a peu encore dominante.