Le mirage « cloud first » passé, les entreprises ne migreront pas tout dans le cloud ! 

Dans son rapport « Migration dans le cloud : point d’étape », le Cigref pointe un décalage entre les promesses et la réalité. L’occasion de s’interroger sur les ressources à privilégier ou non pour cette bascule.

« Si le discours dominant tend à célébrer le cloud comme une solution universelle, la réalité est souvent plus nuancée », prévient d’emblée le Cigref, le club informatique des plus grandes entreprises et administrations publiques françaises. L’analyse est intéressante. Partout, les entreprises s’interrogent : si certaines se lancent dans des projets full-cloud, d’autres avancent plus prudemment et de manière plus ciblée.

Ce « point d’étape » a le mérite de mettre en avant un décalage parfois important entre les promesses du cloud, telles que la flexibilité, l’optimisation financière et le time-to-market… et la réalité de cette technologie. Ce bilan est notamment construit grâce aux témoignages d’organisations et à des analyses financières et tendancielles menées sur le marché du cloud en Europe.

Faut-il réellement tout migrer vers le cloud ?

On y apprend, notamment les expériences de grands groupes comme TotalEnergies ou Air France-KLM. Pour Amadeus le cloud n’est pas moins cher que l’on-premise. La construction de la plate-forme s’est révélée plus chronophage que prévu : elle a absorbé 70 % du temps et des ressources. Outre une sous-estimation des besoins, Amadeus évoque des coûts de sécurité plus élevés et des problèmes liés au manque d’automatisation. Il lui a aussi fallu renforcer ses équipes réseau et gérer la fin de contrats avec des fournisseurs historiques comme VMware. L’entreprise estime qu’environ 80 % des applications migrées nécessitent une re-platformisation. Cela noté, elle a toujours en ligne de mire une future stratégie multicloud. In fine, de la migration résultera cependant « un modèle différent, plus adapté aux besoins actuels »…

« Nous posons une question essentielle : faut-il réellement tout migrer vers le cloud, ou certains workloads ont-ils encore leur place dans des infrastructures traditionnelles sur site (on-premise) ou en datacenter ? », interroge Sylvain Géron, pilote du groupe de travail au Cigref. En effet, malgré les avantages indéniables, des freins techniques, économiques, réglementaires et organisationnels persistent et invitent à une réflexion stratégique plus approfondie.

Air France-KLM : plus cher que prévu !

Le passage au cloud soulève également des défis technologiques et organisationnels complexes. Comment gérer efficacement cette transition en optimisant les workloads ? Comment garantir une adoption harmonieuse au sein des équipes et des départements concernés ? « C’est dans cet esprit que nous aborderons aussi bien les aspects techniques, comme la gestion des ‘landing zones’, que les dimensions humaines, à travers la formation, l’accompagnement des équipes et l’importance du sponsoring interne », répond Sylvain Géron.

A ce titre, le retour d’Air France-KLM est intéressant. En dépit de gains importants, le budget est finalement plus important qu’anticipé. De fait, « plusieurs transformations ont été bloquées, rendant nécessaire une remédiation ». La première version du MVP (Minimum Viable Product) avait démarré sur le cloud public en 2022. Aux dernières nouvelles, les deux compagnies aériennes opèrent trois datacenters -à Amsterdam, Valbonne et Toulouse. Elles entendent les avoir fermés d’ici à décembre 2027. Des échéances plus proches ont été définies, notamment avec la vente du datacenter d’Amsterdam. Le « move-to-cloud » concerne 1000 applications, dont environ un quart fonctionnent sur Azure (objectif de 370 pour fin 2024). Le cloud de Microsoft est privilégié pour les applications transactionnelles ; GCP l’est pour la partie analytique et reporting, dont la migration a démarré en septembre 2024.

C’est là tout l’intérêt du rapport : fournir une analyse équilibrée de la migration vers le cloud basée sur l’expérience des membres, en tenant compte des opportunités, mais aussi des limites, afin d’aider les entreprises à prendre des décisions éclairées dans leur démarche de transformation numérique.

Fini le « lift & shift » !

De toute évidence, la dette technique est importante. « Lorsque le système d’information de l’organisation comprend une part de logiciels développés il y a plusieurs dizaines d’années, le travail de refactoring nécessaire semble tellement important que l’on renonce souvent à la migration », indique le Cigref. Aujourd’hui, de nombreuses organisations ont banni le « lift & shift » au motif qu’il n’est que perte de temps et que les workloads ainsi migrés ne présentent pas les avantages attendus du cloud…

Bref, le cloud n’est pas toujours la meilleure solution. Les entreprises et les administrations mettent en avant quelques raisons qui expliquent que le cloud ne soit pas envisagé de façon systématique. Sont notamment pointées, la sensibilité des données, des limitations d’ordre technique, voire le fait qu’il n’est pas démontré que la migration des workloads serait en mesure de générer un bénéfice pour l’entreprise…