La nouvelle réglementation sur l’«exigibilité» de la TVA ne va pas manquer de compliquer la tâche des entreprises, des comptables… et des développeurs de logiciels intégrés. Il en va de même quant à son impact économique. Des difficultés en vue que soulèvent UNIZO, IEC et Sage, qui plaident pour une réglementation plus efficace, en concertation avec tous les acteurs et pour une simplification administrative plus pragmatique, apte à promouvoir une réelle croissance générale.
De nouvelles règles de facturation sont entrées en vigueur au 1er janvier 2015: la TVA n’est plus exigible qu’au moment où le produit est livré, le service presté ou le paiement effectué. C’est du moins le planning qui était prévu dans le dernier communiqué officiel. Mais la mise en œuvre de la mesure est à nouveau suspendue pour six mois; des tolérances sont prévues pour les assujettis à la tva qui n’ont pas encore pu adapter leurs systèmes informatiques.
«La réalisation des changements envisagés exige des modifications fondamentales, qui prennent du temps: mise à jour de tous les logiciels comptables et de leurs fonctionnalités, intégration dans les applications et les processus existants, compatibilité totale avec les autres solutions de gestion, etc., explique Philippe Tailleur, CEO, Sage Belux. Sage est le seul éditeur de logiciels qui a pu respecter effectivement ce délai serré. Cela nous a coûté un investissement considérable en temps et en énergie. Mais aujourd’hui, toute notre gamme est à jour et conforme à la nouvelle réglementation de la TVA.»
Paradoxalement, la nouvelle législation sur la tva est d’abord conçue pour simplifier la vie des entreprises, donc celle de l’État, sauf que ce n’est pas le cas, estime Jurgen Opreel, conseiller TVA chez UNIZO.«Le fisc crée une situation inutilement complexe, qui alourdit la charge administrative des assujettis. L’initiative attire une fois de plus l’attention sur le caractère très formaliste de notre administration de la tva.»
Benoit Vanderstichelen, président de l’IEC, l’Institut des experts-comptables et conseillers fiscaux, ajoute: «Le passage à la nouvelle législation sur la TVA traîne déjà depuis 2013 à cause d’un plan trop unilatéral. On n’a pas tenu compte de la réalité que vivent les entreprises. Selon les estimations, cette transition comptable va coûter au total 260 millions EUR aux entreprises belges. Il n’est pas réaliste de demander aux sociétés qui travaillent avec des factures d’acompte de remplir à temps leur déclaration de tva. Nous demandons un nouveau dialogue avec les autorités pour que la réglementation de la tva tienne davantage compte de la pratique sur le terrain.»
Outre la charge supplémentaire pour les PME, ce bouleversement entraîne des investissements trop importants pour les grandes sociétés qui disposent de leur propre système de gestion informatisée, estime encore Philippe Tailleur: «Nombre d’entre elles me confient avoir déjà fait leur calcul et paradoxalement préférer payer une amende que d’engager de tels coûts d’adaptation au sein de leur logiciel de comptabilité.»
Il va sans dire que les trois organisations encouragent les initiatives en faveur de la simplification administrative et d’une réglementation de qualité. Mais elles plaident aussi pour une concertation plus étroite et plus constructive avec les pouvoirs publics et les acteurs professionnels, en particulier ceux de la première ligne (comptables et développeurs de logiciels). L’expertise de terrain permet en effet de mieux évaluer les nouvelles propositions et de les ajuster, le cas échéant, pour une plus grande faisabilité et une efficacité accrue. Les trois acteurs avancent aussi l’idée d’une feuille de route indiquant clairement tous les changements requis selon un calendrier spécifique.
«Il faut laisser aux entreprises le temps de réaliser effectivement les adaptations, commente Philippe Tailleur. On pourrait par exemple prévoir tous les six mois un changement réaliste, en étalant le travail sur la durée d’une législature. Ne demande-t-on pas aux entrepreneurs débutants de produire un plan d’affaires? Cela permettrait d’optimiser le fonctionnement journalier des entreprises et d’améliorer leurs performances. Et l’État en profiterait aussi. Par ailleurs, une gestion plus claire et plus transparente facilite les contrôles fiscaux: les entreprises devront y consacrer moins de temps, et les contrôleurs travailleront plus vite, donc plus.»