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Vers un numérique responsable

Déc 9, 2021 | Workplace | 0 commentaires

Un numérique régénérateur, inclusif et éthique est possible. Explications d’Olivier Vergeynst, directeur de l’Institut Belge du Numérique Responsable.

° Nous vivons une période inédite, une bascule dans nos modes de fonctionnement. Place, notamment, au travail hybride… Pouvons-nous être plus responsables sur le plan numérique ? Viser un numérique responsable ?

« C’est le moment ! Le travail à distance imposé a amplifié les difficultés à maîtriser les temps en réunion, à contenir la saturation de messages, à travailler de manière transversale, à préserver des temps de déconnexion, etc.

« Dans ce contexte, travailler plus efficacement et réduire son empreinte environnementale vont de pair. Et tant mieux ! Par exemple, utiliser les outils de collaboration en ligne là où c’est possible, mieux gérer les quantités de données transmises et stockées en ligne, garder nos équipements numériques plus longtemps grâce à une gestion active de ceux-ci et des logiciels, tout cela nous permettrait de réduire sensiblement nos émissions de gaz à effet de serre sans grande difficulté

« La nécessité de repenser nos pratiques de travail pour s’adapter au mode hybride devrait être l’occasion d’être plus responsable numériquement. »

Plus loin que le green IT

° Aborder le numérique de façon responsable, c’est évident. L’industrie a investi la question. Notamment via le Green IT. Faut-il aller plus loin ?

« Bien que centrale, la notion de Green IT s’est révélée trop restrictive pour couvrir toutes les problématiques que l’on trouve à la croisée des mondes du numérique et du développement durable, à savoir le social, l’environnement et l’économie.

« Pour nous, à l’Institut du Numérique Responsable, la démarche vise à réduire l’empreinte environnementale du numérique et ses autres impacts négatifs tant d’un point de vue social qu’économique, à utiliser le numérique pour réduire l’empreinte environnementale de l’humanité et à résoudre de nombreux problèmes sociétaux et économiques, et enfin à créer de la valeur durable et de l’innovation responsable via le numérique. Nous travaillons sur quatre domaines. A commencer par le Green IT : réduire l’empreinte environnementale du numérique, par exemple en prolongeant la durée de vie des équipements, en réduisant l’impact environnemental de nos usages numériques comme le streaming vidéo… Ensuite, l’IT for Green : réduire grâce au numérique notre empreinte environnementale dans d’autres domaines, via une gestion optimisée du chauffage, du refroidissement ou de l’éclairage des bâtiments par exemple. Puis le Human IT : mettre de l’humanité dans le numérique, par exemple en développant des services inclusifs, une intelligence artificielle éthique, en protégeant les données privées, en réfléchissant aux conditions de travail des personnes qui fabriquent nos équipements. Enfin, l’IT for Human : mettre l’IT au service de l’humain d’autres domaines, par exemple l’amélioration des soins de santé, l’aide aux personnes en situation de handicap ou la création d’emplois dans le reconditionnement des équipements numériques. Finalement, le Numérique Responsable, c’est développer des services numériques utiles, utilisables et utilisés. »

Vers des équipements évolutifs

° Nombre d’entreprises considèrent le seul investissement… Green oui, mais pas à n’importe quel prix ! Responsable, pour beaucoup, a un coût

« J’entends régulièrement ce message. Pourtant, mettre en place une démarche numérique responsable peut s’avérer être un bon levier d’économie et de réduction des risques dans une approche de coût complet : coût d’acquisition, d’utilisation et de gestion en fin de vie. Aujourd’hui, trop d’équipements et services numériques sont changés lorsqu’ils deviennent trop lents. C’est regrettable.

Olivier Vergeynst : « mettre en place une démarche numérique responsable peut s’avérer être un bon levier d’économie dans une approche de coût complet : coût d’acquisition, d’utilisation et de gestion en fin de vie. « 

« Il est aussi possible de créer des logiciels, des applications et des sites web éco-conçus, c’est-à-dire conçus de façon à réduire le besoin en ressources informatiques tout en répondant au besoin utilisateur. En se concentrant sur le besoin des utilisateurs, en rationalisant et mutualisant les ressources informatiques, on atteint vite des économies financières et des réductions de risque substantielles. »

Ré-emploi et réparabilité

° A vous entendre, nous manquons d’une vision, d’une approche globale. Et sans doute, au départ, d’une ambition. Comment créer la prise de conscience ?

« En considérant la soutenabilité de la production, en encourageant l’écoconception des équipements et en évitant le renouvellement rapide des équipements. Il est nécessaire d’allonger la durée de vie des équipements, d’abord dans leur première vie, puis de favoriser le ré-emploi et la réparabilité pour leur donner une 2e ou une 3e vie. De la même façon, il est nécessaire de réduire les pollutions générées à la fabrication et de promouvoir l’écoconception des services numériques pour réduire leur contribution à l’obsolescence des terminaux. Sur ce point, il faut dissocier l’obsolescence due au matériel de l’obsolescence logicielle. L’allongement de la durée de vie et d’utilisation des terminaux ne peut être effectif que si l’évolution des logiciels le permet. En effet, nombre d’appareils encore parfaitement fonctionnels sont ralentis par les mises à jour, qui ont tendance à alourdir les logiciels. De la même façon, ces équipements peuvent être rendus obsolètes suite à l’arrêt du support technique logiciel. »

° Peut-on inclure des démarches de rationalisation LEAN et des approches de type Agile ?

« Tout à fait. La recherche de sobriété numérique est très proche de certaines démarches de rationalisation de type LEAN, et l’adoption du Numérique Responsable s’intègre parfaitement dans une approche Agile, avec un haut degré d’adhésion des équipes, afin de répondre au juste besoin avec les moyens les plus adaptés et souvent les moins onéreux. »

La personne qui incarnera

° Dès lors, qui, dans l’entreprise, pour l’incarner ? Quelles doivent être ses forces ? En somme, son profil ?

« Tant dans le secteur privé que dans le public, le Numérique Responsable est parfois amené de façon ‘top-down’ par le management, et parfois demandé dans une logique ‘bottom-up’, par les équipes dédiées aux sujets environnementaux, par les informaticiens eux-mêmes ou par les utilisateurs des outils qui se posent la question de leurs impacts environnementaux.

« Il est difficile de parler de profil. C’est affaire de motivation, d’engagement. Et, dans une certaine mesure, de pouvoir ou au moins d’influence. Si la direction IT et le département RSE sont engagés ensemble, cela facilitera les choses. Là où ces départements communiquent peu, le Numérique Responsable permet de créer des ponts.»

 « Un sponsoring au plus haut niveau est souhaitable, mais pas indispensable. Un bon sponsoring permet de convaincre par l’exemple, avec des cas concrets, les membres du comité de direction et de faire percoler cela dans toute l’organisation. En fait, il faut trouver la personne qui incarnera, mais aussi des relais dans toute l’organisation.»

° Faut-il entendre par là que le type d’organisation -verticale ou non- et la culture d’entreprise conditionnent le mode de sponsoring ?

« Des sociétés sont naturellement convaincues par le sujet. D’autres y viennent sous la pression commerciale, concurrentielle, réglementaire… ou pour des enjeux d’image. Quel que soit le contexte, l’INR se doit de rappeler son action guidée par les 3P : People, Planet, Prosperity. »

La Région bruxelloise a posé un acte fort

° Quel est aujourd’hui le poids de l’INR ?

« Celui de nos membres tout d’abord, avec plus de 40 membres en Belgique, près de 100 membres en France et bientôt 10 membres en Suisse. Ceux-ci vont des PME aux multinationales, en passant pas de petites et grandes associations, des administrations, des services publics, des universités…

« La Région bruxelloise, en particulier, a posé un geste fort à travers dix-sept de ses administrations qui ont rejoint récemment notre association, afin de réduire leur empreinte environnementale tout en accélérant leur transformation digitale. »

« Ensuite, celui de notre Charte, déjà été signée par plus de deux cents organisations et entreprises françaises, suisses et belges, adhérentes ou non à l’INR. L’objet de la charte résume cinq engagements clés : optimiser les outils numériques pour limiter leurs impacts et consommations; développer des offres de services accessibles pour tous, inclusives et durables; des pratiques numériques éthiques et responsables; rendre le numérique mesurable, transparent et lisible et, enfin, favoriser l’émergence de nouveaux comportements et valeurs.

° Quelle aide pour adopter le Numérique Responsable ?

« Pour les organisations qui désirent aller plus loin, notre ASBL leur offre un réseau d’échanges, des outils, des guides et des formations, en étroite collaboration avec les Instituts du Numérique Responsable français et suisse. Deux labels s’inscrivent dans cette démarche. Ils couronnent la montée en compétences au sein d’un collectif d’organisations engagées, la mise en place d’une politique d’amélioration continue; ils garantissent aussi une évaluation impartiale de la démarche par un tiers-certificateur expert dans le domaine. »