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Visioconférence : comment «crever l’écran»
La vie en Zoom ou en Teams a bousculé les codes. Expert en stratégie orale, Charlie Clarck livre une série de conseils clés pour réussir nos réunions en visioconférence.
«Souriez et adoptez une vraie gestuelle. En visioconférence, la gestuelle sert la relation; elle remet de l’humain dans le numérique ! C’est précisément ce qui nous manque…» Tels sont les premiers conseils du journaliste et expert en stratégie orale, Charlie Clarck, fondateur du cabinet Whistcom. En quelques mois, les réunions en Zoom ou en Teams se sont imposées. Et si elles sont pratiques, elles sont aussi fatigantes et peuvent générer du stress.
Communiquer en temps de crise est une obligation, plus encore pour les dirigeants. Communiquer pour rassurer les clients, pour motiver les équipes, rapporter aux investisseurs. Faire savoir qu’il y a un capitaine à la barre et que, malgré les remous, des décisions sont prises pour tenir le cap. Mais comment communiquer aujourd’hui ? Comment, surtout, exploiter pleinement le potentiel de la visioconférence ? «Toutes les organisations ont été confrontées à une situation inédite : utiliser du jour au lendemain une technologie sans la maîtriser, sans avoir été formé. Sans parler du défi : pouvoir gérer des humains à distance !»
Seulement 3% de ce qui est dit sera retenu
En peu de temps, Whistcom s’est fait connaitre à travers sa formation. «Prise de parole à distance : comment crever l’écran ?» Être convaincant c’est d’abord être entendu par son auditoire, être compris et être retenu. Or, lorsque quelqu’un prend la parole, seulement 3 % de ce qui est dit sera retenu par son interlocuteur.
Charlie Clarck et sa vingtaine de collaborateurs aident des dirigeants, mais aussi leurs collaborateurs, dont majoritairement des commerciaux, à maîtriser ces quelque 3 % afin d’être plus percutants à l’oral. «Notre sujet, c’est d’aider nos clients à recréer du naturel pour qu’ils soient inspirants. Il faut s’enlever de la tête qu’on peut être spontanément naturel. Les meilleurs orateurs ont appris des techniques qu’ils maîtrisent parfaitement...»
Prendre la parole par écran interposé est un exercice difficile. «Il faut accepter un changement de logique, explique Charlie Clarck. En visioconférence, regarder son interlocuteur dans les yeux, ce n’est pas le regarder… mais fixer la caméra, et seulement la caméra !» Et l’on sait qu’une caméra peut mettre mal à l’aise, surtout quand, en même temps, l’écran de l’ordinateur renvoie sa propre image. «Il n’est pas rare de perdre ses moyens...»
Un post-it à côté de la caméra…
Si on fixe l’écran, cela se traduira par un regard fuyant. À l’inverse, si l’on considère la caméra comme un être humain, en la regardant … droit dans l’objectif, cela donne l’impression à ses interlocuteurs que le regard se pose sur eux.
«Pour recréer des conditions au plus près de la réalité, surélevez votre ordinateur. Et faites en sorte que la caméra soit à hauteur de visage, ajoute le spécialiste de la prise de parole, qui a formé plus de 300 dirigeants en 2020. Si nécessaire, collez un post-it à côté de la caméra -pour vous le rappeler. Sur ce post-it, dessinez un smiley : sourire est tout aussi nécessaire.»
Réussir ses interventions sur Zoom ou Teams repose sur quelques techniques qui peuvent s’apprendre. En public ou à distance, l’approche diffère pour s’adapter au contexte. En revanche, les attentes sont les mêmes : capter l’attention de son public, faire passer les messages souhaités, créer du lien avec son audience.
L’image est une chance. Saisissez-la !
«La visioconférence est beaucoup moins confortable pour celui qui s’exprime. Elle est moins lisible qu’une conversation face-à-face, compare Charlie Clarck. La personne qui parle est obligée de se concentrer davantage pour être sûre que le message passe… et celle qui écoute doit être très attentive pour tout comprendre !»
La vraie question est celle du lien. Comment le créer, comment le maintenir ? En exploitant au mieux les trois dimensions de la communication : visuelle (ce que je suis, mon look, mon sourire, mes gestes), sonore (le ton de la voix, les silences) et verbale (le message).
«L’image est une chance ! C’est pourquoi je conseille aux personnes qui s’expriment en visio d’engager leur corps. Or, souvent, les gens coupent la caméra. Et s’ils ont gardé la caméra allumée, leur regard est inanimé, leur tête et leur buste ne sont pas en mouvement…»
En visioconférence, songez à vos pieds !
«Le réglage est essentiel. Et il commence à hauteur… des pieds ! Certes, on ne les verra pas à l’image. Mais il faut retenir que le bas du corps conditionne la prise de parole. Les pieds, les mains, le regard et, bien sûr, le sourire. Ce sont vos atouts.»
Rien de nouveau, en fait. Avant la pandémie, avec SPORT, Whistcom avait créé une méthode rassemblant cinq outils indispensables pour dégager du charisme. Le premier, le S, est le sourire. Le deuxième P, pour les pieds : il faut être bien campé au sol afin de ne pas diluer l’attention du public et offrir une base stable à la gestuelle. Le O, c’est l’ouverture des mains pour les avancer vers le public. Le R correspond au regard qu’il faut orienter vers l’auditoire. Enfin le T pour temporiser, c’est l’art d’intégrer des silences.
Le silence, première règle de communication !
Ces outils fonctionnent ensemble et sont interdépendants les uns avec les autres, comme une mécanique. Ce moteur n’a qu’un seul but, celui d’aller chercher le silence. «Sans silence, il n’y a pas de prise de parole. Bien communiquer, c’est d’abord apprendre à se taire !» illustre Charlie Clarck. En effet, un discours en continu, sans aucune pause, aboutit à une accumulation d’informations que l’auditeur ne peut pas digérer, et donc retenir.
Travailler sur le son en ménageant des silences, tout un art ! C’est d’ailleurs l’un des credo de Whistcom, dont le nom signifie «chut, tais-toi». Réinstaurer du silence permet de créer du confort entre les diverses interventions. Cela laisse le temps aux personnes d’entendre votre voix et d’intégrer votre message. «Il faut comprendre l’importance du silence. Pour un dirigeant, c’est laisser le temps à ses équipes de comprendre le message, faire des pauses lors d’une intervention et, ainsi, éviter les débits de parole trop longs pour donner l’opportunité aux collaborateurs de rebondir ou de s’exprimer.»
Du silence à l’empathie, il n’y a qu’un pas. Appelons-le respect. Trop souvent, les dirigeants s’adressent à leurs collaborateurs en centrant leur discours sur eux-mêmes. «Quand on prend la parole, on a tendance à tout remettre à soi. Or, il faudrait pouvoir faire l’inverse, c’est-à-dire parler de ses équipes, ses collaborateurs, pour qu’ils se sentent totalement inclus dans la stratégie.»
Agir en qualité de réalisateur
Ne pas perdre de vue que le temps de parole est limité, entre 15 et 20 %. Le reste, c’est de l’écoute. De là, l’importance de la gestuelle. L’image visuelle va influencer l’image sonore. Plus on a des gestes variés, plus le ton sera intéressant.
Un décor ? Oui, mais pas trop chargé, sinon l’interlocuteur ne regarde plus que cela. Ne pas le négliger pour autant. «Le -bon- décor est un élément de communication. Eviter toutefois les images virtuelles, comme une plage idyllique en arrière-fond, observe encore Charlie Clarck. C’est souvent laid. Et puis, c’est antinomiques avec ce qu’on vise. On a besoin de réalisme, sentir la présence !»
Ultime conseil : se positionner en qualité de réalisateur, insiste Charlie Clarck. «C’est vous qui dirigez, ne l’oubliez pas. C’est vous qui donnez les codes de communication… Tenir une réunion c’est donner le ton ! Il faut assumer qu’il y a un chef, un animateur de la réunion qui énonce clairement les enjeux et distribue la parole.»
Texte : Alain de Fooz / Photo : Sébastien d’Halloy